POUR NE PAS OUBLIERRappel sur le terrorisme transfrontalier émanant du Pakistan
Traduction
de l'article Lest We Forget publié dans l'hebdomadaire indien
Outlook en février 2002.
À
l'heure où le général Musharraf et ses conseillers
en communication ne ménagent pas leurs efforts pour empêcher
toute révélation concernant l'implication active des services
de renseignements de l'armée dans le terrorisme transfrontalier
dirigé contre l'Inde, il est temps de réexaminer la situation. L'Inde se trouve être la cible d'un terrorisme transfrontalier émanant du Pakistan depuis déjà la fin des années 50. Entre 1956 et 1971, des groupes rebelles Naga, Mizo et d'autres ethnies des zones frontières du Nord-Est de l'Inde [2], se virent offrir par les services de renseignements pakistanais refuges, entraînement, armes et munitions dans les « Chittagong Hill Tracts » (CHT), situées dans ce qui était alors le Pakistan oriental.La naissance du Bangladesh en 1971 mit ce problème en suspens jusqu'en 1981.[3] À
partir de 1981, les services de renseignements militaires pakistanais
commencèrent à fournir leur assistance aux terroristes
Sikhs appartenant au mouvement auto baptisé Khalistan basé
en territoire pakistanais.[4]
À l'initiative de celui-ci, un certain nombre d'organisations
extrémistes nées de la diaspora Sikh à l'étranger
virent le jour, et commencèrent à se livrer à des
actes de terrorisme Les terroristes membres de ces organisations revendiquant le Khalistan trouvèrent refuge, bases d'entraînement, armes et munitions sur le territoire pakistanais. Le Pakistan refusa de livrer à l'Inde les auteurs du détournement d'un avion d'Indian Airlines commis en 1981, ainsi que les terroristes recherchés pour leur participation à l'attentat contre le « Kanishka », avion d'Air India, qu'ils étaient soupçonnés d'avoir fait sauter au large de la côte irlandaise en 1985 et aussi pour d'autres attentats terroristes. Grâce aux mesures anti-terroristes efficaces menées par les forces de sécurité indiennes, le terrorisme au Penjab est presque complètement éradiqué depuis 1995, mais les services de renseignements du Pakistan n'ont pas cessé d'essayer de raviver le terrorisme au Penjab en s'appuyant sur ce qui reste du mouvement terroriste toujours abrité par le Pakistan, éléments que les Pakistanais refusent toujours de livrer à la justice indienne. En 1993, les services
de renseignements pakistanais (ISI), utilisant à leurs fins un
groupe mafieux de trafiquants de drogues (et autres) dirigé par
Dawood Ibrahim, lui-même recherché pour de nombreux délits
commis en Inde, organisèrent une série d'attentats à
l'explosif contre d'importantes cibles économiques à Mumbai
(Bombay) telles que la Bourse de l'Inde, un hôtel d'Air India,
etc. Après les attentats, Dawood Ibrahim et d'autres participants, tous ressortissants indiens, trouvèrent refuge à Karachi et on leur délivra des passeports pakistanais sous des noms d'emprunt. Les mandats d'arrêt diffusés en urgence par Interpol ainsi que les demandes répétées des agences de renseignement indiennes que ces hommes soient livrés à l'Inde ont été ignorées. Malgré les informations détaillées données par des journaux pakistanais concernant leur présence et leurs activités à Karachi, le gouvernement pakistanais a toujours nié qu'ils fussent au Pakistan. Ces éléments, basés au Pakistan, continuent à se livrer à des actes terroristes et autres crimes graves sur le territoire indien. Avant 1989, il y a eu deux attentats terroristes importants concernant le Jammu-Cachemire (J&K) initiés par les services de renseignements militaires pakistanais. Le premier fut le détournement d'un avion d'Indian Airlines sur Lahore en 1971 par deux membres du Front de Libération du Jammu-Cachemire (JKLF), tous deux de nationalité indienne. Zulfiquar Ali Bhutto, alors Ministre des Affaires Etrangères du Pakistan, accueillit les pirates de l'air à Lahore comme les héros du jour, et les aida à rencontrer la presse internationale pour exposer leur cause. Après cela, les pirates firent sauter l'avion avec des explosifs fournis par l'Inter-services Intelligence (ISI) après avoir évacué les passagers. Le Pakistan refusa de livrer les pirates à l'Inde. L'Inde décida alors d'interdire le survol de son territoire à tous les avions pakistanais, interdiction qui se prolongea jusqu'en 1973. La deuxième affaire fut, en 1983, l'enlèvement et le meurtre de Mhatre, un diplomate du département indien de la Haute Commission à Birmingham, en Grande Bretagne, par une faction du JKLF basée au Pakistan dirigée par Amanullah Khan, ressortissant pakistanais. Ce dernier continue à opérer depuis Rawalpindi sans que les autorités pakistanaises n'aient tenté quoi que ce soit contre lui. Cette guerre par procuration menée par le Pakistan contre l'Inde au Jammu-Cachemire au moyen du terrorisme transfrontalier commença en 1989 après le retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan. À ces fins, les services de renseignements militaires pakistanais firent passer d'Afghanistan au J&K ce qui leur restait des armes, munitions et explosifs qui leur avaient été fournis par les USA et d'autres pays occidentaux pour combattre les troupes soviétiques, ainsi que des mercenaires entraînés au combat de nationalité pakistanaise et autres, forts de leur expérience d'avoir combattu les troupes soviétiques. Entre le début de cette guerre par procuration et le 15 novembre 2001, 12581 civils innocents, dont de nombreux musulmans, et 3246 membres des forces de sécurité ont été tuées. Au cours des opérations anti-terroristes menées depuis 1989, les forces de sécurité ont abattu 14078 terroristes entraînés au Pakistan, parmi lesquels se trouvaient de nombreux ressortissants pakistanais.
1989-1993 :
le Pakistan s'est surtout servi d'éléments autochtones
cachemiris. Recrutés au J&K, acheminés de l'autre
côté de « la ligne de contrôle » [5]
vers la partie du Cachemire occupée par le Pakistan (POK), ils
ont été entraînés, armés, et réinfiltrés
au J&K. Leurs chefs furent abrités par le Pakistan. Dans
les années 1989-90, le Pakistan prêtait assistance à
n'importe quel groupe cachemiri autochtone quel que soit son objectif.
Par la suite, il cessa de soutenir les groupes qui revendiquaient un
Cachemire indépendant, pour ne plus soutenir que ceux qui prônaient
un rattachement du J&K au Pakistan. 1993-99 : Déçus
par les résultats obtenus par les groupes autochtones cachemiris,
le Pakistan s'appuya de plus en plus sur des mercenaires pakistanais,
afghans, et d'autres origines pour accomplir ses objectifs stratégiques.
Pour ce faire, il infiltra au J&K des cadres pakistanais et d'autres
origines étrangères appartenant au Harkat-ul-Mujahideen
(HuM), au Lashkar-e-Toiba (LeT) et au Al Badr. Par la suite, depuis
le début 2000, le Jaish-e-Mohammad (JeM) fut aussi infiltré.
L'Al Badr, branche armée du JeI pakistanais,
avait été au départ créé par l'ISI
dans ce qui était alors le Pakistan Oriental en 1971 [7],
et utilisé par lui pour massacrer des intellectuels bengalis
à Dacca et dans d'autres villes. Il était constitué
principalement de Pachtounes et de quelques Penjabis du Pakistan. Renvoyé
de Dacca [8] au
Pakistan après la défaite de l'armée pakistanaise
à l'issue de la guerre de décembre 1971, ce groupe resta
quasiment inactif jusqu'au début des années 1980, où
il fut alors réactivé, entraîné, armé
et infiltré en Afghanistan pour combattre les troupes soviétiques.
Après le renversement du gouvernement Najibullah à Kaboul
en avril 1992, l'Al Badr fut retiré d'Afghanistan par l'ISI et
infiltré au J&K. Actuellement, l'Al Badr ne sévit
nulle part ailleurs qu'en Inde. Il ne prône pas une idéologie
pan-islamique. Le HuM et le LeT, tous deux d'obédience wahhabite,
virent le jour au Pakistan au cours de la guerre afghane des années
80. Ce sont des organisations pakistanaises, dont la plupart des dirigeants
sont pakistanais, et dont les infrastructures administratives, logistiques,
et les camps d'entraînement sont tous implantés au Pakistan
; avant le 11 septembre 2001, elles avaient aussi des bases d'entraînement
en Afghanistan. Toutes deux se réclament d'une idéologie
pan-islamique et revendiquent le droit d'intervenir partout dans le
monde pour prêter main forte à des musulmans, qui, selon
eux, seraient victimes d'oppression. Ainsi, elles ne se sont pas seulement
livrées à des actes de terrorisme en Inde, mais ont aussi
prêté main forte à des groupes terroristes dans
les Philippines du sud, au Myanmar, en Ouzbekistan, au Tajikistan, en
Tchétchénie, et au Dagestan. Elles apportent aussi un
soutien moral et matériel à des éléments
fondamentalistes dans des pays islamiques tels que l'Algérie,
la Tunisie et même l'Arabie Saoudite. À la fin de cette
période, ces trois organisations pakistanaises, dont deux étaient
d'orientation pan-islamique, ont pratiquement pris le contrôle
du mouvement terroriste au J&K, marginalisant presque totalement
les organisations cachemiries autochtones à l'exception du Hizbul
Mujahideen. Des organisations autochtones comme le JKLF renoncèrent
alors à la violence et se tournèrent vers la propagande
et d'autres moyens politiques pour faire connaître leurs revendications.
Depuis cette période, il n'y a plus de terrorisme cachemiri réellement
significatif. Il s'agit d'un terrorisme presque exclusivement pakistanais
perpétré au nom des Cachemiris. Après la prise
de pouvoir par les Talibans d'une grande partie de l'Afghanistan en
1994-96, ces organisations ont déplacé la plupart de leurs
bases d'entraînement pour les établir en territoire sous
contrôle Taliban. La plupart des infrastructures terrestres détruites
en Afghanistan et des gens tués lors des frappes de missiles
Cruise américains en août 1998 appartenaient au HuM et
au LeT, et non à l'Al-Qaida d'Ossama ben Laden. En octobre 1997,
les USA désignèrent le HuM comme Organisation terroriste
étrangère, selon une loi de 1996. 1999-11 septembre
2001 : En 1998, le HuM et le LeT devinrent membres du Front International
Islamique de ben Laden pour la Jihad contre les USA et Israël.
Le leader du HuM signa la première fatwa de ben Laden contre
les USA. En 1999, les services de renseignements militaires pakistanais
se servirent des cadres formés du HuM, du LeT, de l'Al Badr et
de l'Al Qaida de ben Laden pour mener à bien leur occupation
des montagnes de Kargil, qui conduisit à un conflit armé
entre les armées pakistanaises et indiennes ;
cette dernière finit par repousser les troupes pakistanaises
et les groupes terroristes du territoire qu'ils avaient occupé
clandestinement en tirant parti des conditions de l'hiver 1998-99 [9].
L'influence des principes et de la tactique prônées par
ben Laden sur le HuM devint de plus en plus visible à partir
de juillet 99. Auparavant, il n'y avait pratiquement pas d'attentats
suicides au J&K. À partir de juillet 99, les terroristes
pakistanais, influencés par le modus operandi (MO) d'Al Qaida,
sont passés de manière accrue aux attentats suicides contre
les forces de sécurité et des installations militaires
et civiles. Depuis ce moment, 43 attentats suicides ont été
perpétrés, dont deux seulement commis par des organisations
cachemiries autochtones. Les 41 autres ont été commis
par le LeT et le JeM. L'influence du MO d'Al-Qaida se manifeste aussi
clairement dans les attaques de plus en plus féroces contre les
minorités religieuses qui ne sont pas sans rappeler le massacre
des chiites (Hazaras) d'Afghanistan par les Talibans, l'Al-Qaida et
le Sipah-e-Sahaba Pakistan (SSP). Le JeM apparut au début 2000
à la suite d'une rupture au sein du HuM orchestrée par
Maulana Masood Azhar, un Pakistanais originaire de Bhawalpur, ville
du Penjab pakistanais, relâché par le gouvernement indien
en décembre 1999 pour obtenir la libération des passagers
d'un avion d'Indian Airlines détourné sur Kandahar. Jusqu'à
maintenant le Pakistan n'a pas satisfait aux demandes répétées
des Indiens exigeant l'arrestation et l'extradition des pirates de l'air,
tous de nationalité pakistanaise. Sa réponse a consisté
à dire qu'ils seraient jugés au Pakistan selon la loi
pakistanaise, mais pour l'instant aucun des pirates n'a été
arrêté ni même interrogé alors que le détournement
remonte à plus de deux ans. Le Pakistan n'a pas non plus satisfait
aux injonctions d'Interpol quant à l'arrestation de ces hommes.
Azhar, identifié dans le numéro de décembre 2001
du « Herald », prestigieux mensuel du groupe «
Dawn » de Karachi, comme un terroriste formé par l'ISI,
fit ses débuts dans le terrorisme au sein du SSP, organisation
sunnite extrémiste, qui milite pour la proclamation d'un état
pakistanais sunnite et pour que les chiites soient déclarés
comme non-musulmans ; il devint ensuite membre du bureau du HuM, et,
à ce titre, participa à des actions d'Al-Qaida en Somalie
et au Yémen, avant de passer en Inde en 1994 avec un passeport
portugais, et c'est là qu'il fut arrêté. Depuis
le milieu des années 90, le HuM et le LeT revendiquent comme
objectif non seulement le rattachement du J&K au Pakistan, mais
aussi la « libération » des musulmans partout en
Inde de la domination hindoue et le rétablissement du règne
Moghol sur tout le sous-continent indien. Animés par cet objectif,
le LeT et, par la suite, le JeM tentent d'élargir leur infrastructure
à New Delhi et d'autres parties de l'Inde. À suivre... B. Raman (B. Raman est Secrétaire du Cabinet du gouvernement indien à la retraite, et occupe à présent les fonctions de Directeur de l'Institut d'Études Politiques de Chennai (Madras).) Notes : [1] Bien quécrit en 2002 ce texte reste dactualité aujourdhui alors que les États Unis expriment le souhait de voir la « question du Cachemire » trouver une issue diplomatique avant 2004. [2] Ces groupes, majoritairement convertis au Christianisme, mènent encore aujourdhui une guérilla sécessionniste qui a fait des milliers de victimes auprès de la population civiles quils terrorisent. (voir article « Attaques et attentats dans le Tripura et l'Assam ». [3] Cette année là, Sheik Mujibur Raman favorable à un rapprochement avec lInde remporte les élections législatives pakistanaises à la tête de la Ligue Awami. Ce que nacceptent pas les généraux dIslamabad qui invalident les élections. Sheik Mujibur Raman déclare lindépendance du Pakistan Oriental quil rebaptise Bangladesh. Larmée pakistanaise interviendra alors massivement afin de mâter la guérilla sécessionniste et se livrera à une véritable boucherie à lendroit de la population du Pakistan Oriental favorable à la sécession. [4] Ce mouvement réclamait la création dun État indépendant pour les Sikhs le Khalisthan, sur le territoire de lactuel Punjab. [5] La ligne de contrôle sépare lÉtat du Jammu-Cachemire des territoires indiens occupés illégalement par le Pakistan. [6] Depuis 1989, environ 300 000 pandits hindous cachemiris ont fuit cette région victimes de cette épuration ethnique. [7] Devenu le Bangladesh en 1971 [8] capitale du Bangladesh [9] Au début de 1999 l'armée pakistanaise, appuyant un fort contingent de terroristes islamistes, infiltrait le Cachemire sur les hauteurs de Kargil. Ce qui devait conduire à la guerre de Kargil en mai-août 1999. Alors que suite à la poignée de main historique à Lahore, le 28 février 1999, à l'initiative du Premier Ministre indien, Monsieur Atal Behari Vajpayee un climat de détente s'instaurait entre les deux pays. L'instigateur de l'opération de Kargil n'était autre que le général Mucharraf, le président dictateur pakistanais actuel, alors chef des armées. Et si une « vraie » guerre fut évitée, in extremis, c'est parce que Bill Clinton fit pression sur le premier ministre pakistanais de l'époque, Nawaz Sharif, qui ordonna le retrait de l'armée et des terroristes des hauteurs de Kargil.
|