
LA
PARTITION DE L'INDE
ET LA QUESTION IRRÉSOLUE DU CACHEMIRE
(3ème
partie)
par Laurent Baldo
Lagression
pakistanaise et le conflit de 1947-1948. Accession du Jammu-Cachemire
à lUnion indienne.
Dans
le cadre du transfert des pouvoirs entre ladministration coloniale
et les deux nouveaux dominions, lintransigeant Jinnah, contrairement
à ce quil avait déclaré aux Britanniques,
exige et obtient le poste de Gouverneur général du Pakistan,
alors quaveuglément Nehru et le Congrès prient lAnglais
Lord Mountbatten daccepter celui de Gouverneur général
de lInde, mettant ainsi indirectement lInde indépendante
sous la tutelle du gouvernement britannique, hier encore son oppresseur.
Nehru, quant à lui, devient le Premier ministre de lUnion
indienne. Plus affligeant encore, Lord Mountbatten se voit aussi confier
par les dirigeants indiens le poste de Président du Comité
de Défense chargé de la sécurité du territoire
indien. Trahissant sans état dâme la confiance naïve
des responsables du Congrès, Lord Mountbatten, peu scrupuleux
des devoirs de sa fonction, usera de sa position qui lui donne accès
à des informations classées « secret défense
» et, en bon sujet de Sa Majesté, influera sur les décisions
du Comité afin de préserver les intérêts
britanniques lors du conflit qui va suivre linvasion de lÉtat
du Jammu-Cachemire par le Pakistan.
Au
cours des négociations qui précédèrent la
partition, la plupart des États princiers se trouvant entourés
par le territoire de la nouvelle Union indienne, leurs dirigeants choisirent
donc, plus ou moins naturellement, le rattachement à celle-ci
et signèrent « lInstrument of Accession »,
conformément à lautorité que leur conférait
« lIndependance Bill » [1].
Dans les semaines qui suivent la partition,
Hari Singh, le Maharaja de lÉtat du Jammu-Cachemire, hésite
toujours entre le rattachement de son État à lUnion
indienne ou lindépendance. Du fait de lhostilité
des responsables de la Ligue musulmane à son endroit parce quil
est hindou, Hari Singh nenvisage pas le rattachement au Pakistan.
Ce qui est inconcevable pour Jinnah et les dirigeants pakistanais, la
vallée du Cachemire peuplée majoritairement de musulmans
devant leur revenir conformément à la théorie des
deux nations et à lidéologie pan-islamique qui ont
présidé à la création du Pakistan, État
islamique créé par les musulmans pour les musulmans indiens.
Aussi vont-ils planifier linvasion du Jammu-Cachemire afin de
se lapproprier par la force.
À
la mi-septembre, des milliers de mercenaires pachtounes[2]
venant des régions tribales du Nord-ouest limitrophes de lAfghanistan,
auxquels se mêlent des commandos pakistanais habillés en
civils, pénètrent secrètement dans lÉtat
du Jammu-Cachemire et lenvahissent, pillant et brûlant les
villages sur leur chemin, enlevant et violant les femmes tant hindoues,
que sikhs ou musulmanes[3],
tels les anciens envahisseurs afghans. Le royaume du Cachemire retrouve
la barbarie dont il avait souffert au 18ème siècle sous
le joug des émirs de Kaboul.
Le 22 octobre 1947, les commandos pakistanais
et leurs mercenaires pénètrent dans la vallée du
Cachemire. Malgré la vaillante résistance de la petite
armée de lÉtat aidée de la population
toutes religions confondues les assaillants, en surnombre et
mieux équipés, progressent rapidement en direction de
Srinagar, la capitale. La prise de Srinagar et de son aéroport
signifierait la fin de lÉtat du Jammu-Cachemire et son
annexion de fait par le Pakistan. Dautre part, le sort des nombreux
civils sikhs et hindous qui ont trouvé refuge à Srinagar
après avoir fui les persécutions au Pendjab au moment
de la partition, ne fait pas lombre dun doute si les Pachtounes
prennent la ville
Tout le monde a en mémoire les récits
des atrocités commises quelques jours auparavant sur la population
de Baramulla, ville proche de Srinagar tombée aux mains des envahisseurs,
livrée au pillage et en partie brûlée.
Aussi, Hari Singh
sollicite laide militaire expresse de New Delhi.
Si
les autorités indiennes sont prêtes à accéder
à la demande du Maharaja dautant quun Jammu-Cachemire
occupé par le Pakistan constituerait une menace directe sur le
territoire indien elles mettent le rattachement de son État
à lUnion indienne comme condition préalable à
une intervention militaire.
Simultanément, lorganisation
populaire la plus importante du Cachemire, la National Conference dirigée
par le Sheik Mohammed Abdullah, adresse une requête similaire
à celle du Maharaja Hari Singh au gouvernement indien. Dans celle-ci,
la National Conference exprime son soutien en faveur de laccession
du Jammu-Cachemire au Dominion indien.
Le 26 octobre 1947, Hari Singh signe lActe
daccession de son État à lUnion indienne[4].
Accession qui est acceptée sans condition par le Gouverneur général
de lInde, Lord Mountbatten, et le gouvernement indien. Dès
lors, le Jammu-Cachemire devient officiellement et légalement
un état de lUnion indienne comme tous les autres états
princiers dont les dirigeants ont signé le même acte daccession.
Toutefois, dans sa lettre de réponse,
Lord Mountbatten fait part à Hari Singh du souhait de son gouvernement
« quaussitôt la loi et lordre rétablis
au Cachemire, et son territoire libéré des envahisseurs,
la question de laccession de lÉtat soit fixée
par une consultation du peuple ». Ce « souhait »,
contraire aux intérêts indiens, deviendra une des clauses
principales des différentes résolutions adoptées
par lO.N.U. sur la question du Cachemire.
Dans
la nuit du 27 au 28 octobre, au terme dune opération aéroportée
dune incroyable audace, les troupes indiennes occupent laéroport
de Srinagar, sécurisent la ville, et dans les jours qui suivent
entament la reconquête des territoires occupés[5].
Les soldats indiens sont accueillis avec allégresse par la population
de Srinagar et les habitants des villes et villages environnants
toutes confessions religieuses confondues qui ont subit les persécutions
des mercenaires pachtounes. Larmée indienne progresse rapidement
et repousse les envahisseurs surpris par la célérité
et la puissance de l'offensive il leur faudra plusieurs mois
pour se réorganiser depuis le territoire pakistanais et contre-attaquer.
Mais alors que le
théâtre des opérations se déplace vers le
Pakistan où les troupes indiennes menacent dentrer afin
de détruire les bases arrières de ces commandos
ce qui déclencherait un conflit généralisé
avec le Pakistan les Britanniques, qui nont nullement renoncé
à leur influence en Asie et dans le monde, vont protéger
celui-ci pour préserver leurs intérêts géopolitiques.
En effet, leur présence au Pakistan, où ils disposent
de bases aériennes, est dune importance stratégique
majeure pour la surveillance de la Russie communiste et, dautre
part, elle leur offre une ouverture avec les États musulmans
du Moyen-Orient riches en pétrole. Une éventuelle victoire
de lInde sur le Pakistan est donc inconcevable pour le gouvernement
Attlee car elle signifierait la réunification des deux dominions
et à court terme le départ des Britanniques du sous-continent.
Aussi, en parfaite synergie avec Londres,
usant et abusant de sa position, Lord Mountbatten presse Nehru darrêter
lavance des troupes indiennes pour quelles ne pénètrent
pas au Pakistan. Il lui suggère de faire appel aux Nations-Unies,
afin que laffaire trouve une solution diplomatique plutôt
que de faire usage de la force, arguant que la communauté internationale
verrait dun mauvais il lInde envahir le territoire
pakistanais sans mandat alors quen fait il sagit
dun acte dautodéfense contre lagression dune
puissance étrangère, le Jammu-Cachemire faisant légalement
partie de lInde à ce moment-là. Ceci serait non
seulement préjudiciable à lInde, mais aussi à
limage dhomme dÉtat que se veut Nehru, laisse
entendre Lord Mountbatten. Bien quà contre-cur Nehru
se laisse convaincre.
Malheureusement,
tout au long du conflit, Nehru, qui est aussi Ministre des Affaires
étrangères, ne consultera pratiquement jamais son cabinet,
le tenant à lécart de toute décision et il
va gérer la crise quasiment seul[6].
Soctroyant le rôle de stratège militaire au grand
dam des autorités militaires, Nehru supervisera le déploiement
des troupes et définira leurs objectifs. Même Sardar Vallabhbhaï
Patel subira le mépris de Nehru. Pourtant Ministre de lIntérieur
en charge du délicat dossier de lintégration des
États princiers dont il sétait acquitté avec
brio, conscient et soucieux des intérêts de la nation,
ferme et résolu, Patel ne sera pas associé à la
gestion du conflit. Leut-il été, il aurait certainement
tout mis en uvre pour anéantir les bases arrières
pakistanaises et reconquérir les territoires occupés afin
de sécuriser et consolider les frontières indiennes
voire même pour écraser larmée pakistanaise
et mettre ainsi un terme à la partition en réunifiant
les deux dominions.
Le double jeu des Britanniques,
à la fois juge et partie comme le symbolise la position
de Lord Mountbatten , apparaît clairement avec cette invasion.
En effet, après la partition les
deux armées sont encore sous commandement britannique, aussi
est-il difficile dimaginer que le Général Douglas
Gracey, commandant en chef des armées du Pakistan, nait
pas été alerté de cette opération et nen
ait pas informé son homologue britannique en Inde, Sir Rob Lockhart.
Curieusement, ce dernier, s'opposa fermement à une intervention
militaire au Jammu-Cachemire sous prétexte que ce serait « courir
un risque majeur ». Ses avertissements alarmistes s'avérèrent
tellement exagérés qu'ils donnèrent naissance à
des soupçons selon lesquels Sir Rob Lockhart aurait volontairement
trompé sa hiérarchie politique afin d'accorder à
Jinnah un libre accès au Cachemire. Le Gouvernement indien le
remercia au bout de quatre mois alors qu'il était sous contrat
pour quatre ans.
Autre événement troublant,
le 1er novembre, dans la province de Gilgit envahie par les Pakistanais
et leurs supplétifs, le régiment des éclaireurs
musulmans, pourtant dirigés par un officier britannique, le Major
Brown, se révolte contre la garnison des Dogra la dynastie
de Hari Singh hisse le drapeau pakistanais et se joint aux envahisseurs,
leur ouvrant ainsi la route vers la vallée du Cachemire et de
Srinagar sans que le commandement britannique ne réagisse. Dans
les jours qui suivirent la prise de Gilgit, les commandos donnent quelques
minutes aux hindous et aux sikhs pour choisir entre ladoption
de la foi musulmane ou la mort.
Par ailleurs, bien que ces mercenaires
pachtounes soient encadrés par des soldats pakistanais et quils
aient été entraînés et équipés
dun armement moderne par les militaires pakistanais sous lautorité
du Colonel Akbar Khan ce que les militaires britanniques en poste
au Pakistan ne peuvent ignorer , le Premier ministre pakistanais
Liaquat Ali Khan, dont Akbar Khan est le conseiller militaire, nie toute
implication de son pays dans cette agression ce que les Britanniques
feignent de croire.
Jinnah, Gouverneur général
sans laval de qui rien ne peut se faire au Pakistan, dit ignorer
la présence de combattants armés dans la province. Pour
lui, il sagit dune insurrection et non dune invasion.
Il avance, comme son Premier ministre, que les tribus pachtounes sont
entrées en révolte afin de libérer leurs frères
musulmans du joug des Dogra et de les protéger de persécutions
dont ils seraient victimes au Jammu-Cachemire ce qui est totalement
faux[7].
Le 1er janvier 1948,
alors que les troupes indiennes victorieuses sont en mesure de reconquérir
tous les territoires occupés, Nehru, contre lavis de Sardar
Vallabhbhaï Patel, déclare un cessez-le-feu unilatéral
et dépose, au nom de lInde, selon larticle 35 de
la charte des Nations-Unis, une plainte auprès du Conseil de
sécurité. Nehru y dénonce lagression pakistanaise
contre lÉtat du Jammu-Cachemire appartenant désormais
officiellement à lUnion indienne , et loccupation
illégale dune importante partie de son territoire par des
combattants pakistanais et des mercenaires pachtounes, ainsi que leur
barbarie à lencontre de la population civile. Et il demande
au Conseil de sécurité dintervenir auprès
des autorités pakistanaises afin quelles cessent immédiatement
dappuyer les forces doccupation. Sans
quoi, conclut Nehru, lInde, en légitime défense,
se verrait contrainte dintervenir militairement sur le sol pakistanais
dans les territoires limitrophes du Jammu-Cachemire pour y détruire
leurs concentrations, ce qui serait préjudiciable pour la paix
internationale[8].
Et, fort du soutien apporté par la National Conférence
et des informations transmises par ses services de renseignements sur
létat desprit des populations qui, révulsées
par les événements tragiques de Baramulla, sont en faveur
de lunion avec lInde, Nehru propose « généreusement
» quun plébiscite soit organisé pour résoudre
la question du Cachemire, avec toutefois comme préalable le retrait
des troupes doccupation.
Le gouvernement pakistanais, bien sûr,
plaide non coupable auprès du conseil et avance largument
fallacieux que lintervention de New Delhi na pour seule
finalité linvasion du Pakistan[9].
Comme lavait espéré
Lord Mountbatten, le recours à lO.N.U. enraye la progression
des troupes indiennes et éloigne le risque dune escalade
du conflit en territoire pakistanais.
Par la suite, la plainte indienne va senliser
dans les méandres de la diplomatie internationale dominée
par la Guerre froide. Brandissant la menace dune invasion de son
territoire par lInde et le spectre dune possible réunification
des deux dominions, le Pakistan saura aussi marchander habilement sa
position dallié stratégique de lOccident dans
la région en instrumentalisant la menace communiste russe
comme aujourdhui celle du terrorisme afin de faire valoir
ses revendications sur le Jammu-Cachemire auprès des Britanniques.
Les diplomates britanniques feront le reste, surtout Noël Baker,
le Secrétaire des relations avec le Commonwealth (Commonwealth
Relations Secretary), qui affichera une attitude outrageusement pro-pakistanaise.
Par exemple, il qualifiera de « provocation » lacceptation
par lInde de laccession du Jammu-Cachemire.
Et pendant que lidéaliste
Nehru, sûr de son droit et du soutien populaire, espère
naïvement en une solution diplomatique émanant de lO.N.U.
rappelons à sa décharge que laccession était
parfaitement légale les troupes pakistanaises profitent
de la situation et tentent de conquérir un maximum de territoire
au Baltistan et au Ladakh en vue des futures négociations. Ainsi,
en février 1948, létat major pakistanais lance lopération
« Traîneau » dont le but est denvahir le vaste
plateau du Ladakh. Cette fois-ci plus question de libérer les
frères musulmans de quelque joug que ce soit car à cette
époque ils ne sont quune infime poignée au Ladakh,
très majoritairement peuplé de bouddhistes. Autre motivation
à cette invasion par le Pakistan, financièrement aux abois,
les trésors des gompas bouddhistes [monastères].
Un
millier de mercenaires pachtounes et déclaireurs venant
de la région de Gilgit savancent vers Leh, la capitale
du Ladakh. Ils seront
repoussés grâce à lintervention héroïque
dun jeune officier bouddhiste, le capitaine Prithvi Chand, et
en juin 1948, le colonel Chewwang Rinchen stoppe lavancée
de ces commandos pakistanais dans la vallée de la Nubra.
Il ne fait alors plus lombre dun
doute pour personne que le Pakistan est engagé activement sur
le théâtre même des opérations. Et en juillet
1948, les militaires pakistanais admettent à la Commission des
Nations Unies pour lInde et le Pakistan (U.N.C.I.P.) que trois
brigades régulières combattent aux côtés
des mercenaires pachtounes.
Ainsi, les machinations
politiques des diplomates britanniques, principalement Lord Mountbatten
et Noël Baker, et les décisions de Nehru auront favorisé
la progression des troupes pakistanaises au Jammu-Cachemire doù
elles ne se retireront jamais.

Les résolutions de
lO.N.U.
Quel est donc le contenu de ces résolutions
adoptées par le Conseil de Sécurité de lO.N.U.[10]
que lInde naurait supposément pas respectées,
auxquelles font couramment référence les autorités
pakistanaises et les médias ?
Le 20 janvier 1948,
le Conseil de Sécurité des Nations Unies décide,
par sa résolution 39, la création dune commission
chargée de résoudre le « contentieux »
entre lInde et le Pakistan : la Commission des Nations-Unies pour
lInde et le Pakistan (U.N.C.I.P.). Celle-ci va passer deux résolutions
majeures, toutes deux acceptées par les belligérants,
celles du 13 août 1948 et du 5 janvier 1949.
La résolution
daoût 1948 reprend dans ses grandes lignes la résolution
47 adoptée par le Conseil de Sécurité le 21 avril.
Si elle reconnaît lintrusion des troupes pakistanaises au
Jammu-Cachemire, elle ne fait aucune référence à
la plainte déposée par lInde en janvier pour lagression
de son territoire par le Pakistan le Jammu-Cachemire ayant accédé
à lUnion indienne en octobre 1947. Par cette omission cette
résolution désavoue implicitement laccession du
Jammu-Cachemire à lInde suivant en cela pour partie lavis
de Noël Baker pour qui celle-ci était une « provocation
», comme nous lavons déjà évoqué.
Et désormais il ne sera plus question de lagression pakistanaise
contre lInde mais de « dispute » ou de « contentieux
» entre lInde et le Pakistan au sujet du Jammu-Cachemire.
De plaignant, New Delhi est donc devenue pour lO.N.U. en partie
co-responsable de la situation prévalant au Jammu-Cachemire.
Pourtant, le 4 février 1948, le
représentant des États-Unis auprès de lO.N.U.,
Warren Austen, déclarait : « Les relations extérieures
du Cachemire ne sont plus du ressort du Maharaja [
] avec laccession
du Jammu-Cachemire à lInde, cette souveraineté relève
de lInde et est exercée par lInde, et cest
pour cela que lInde est ici en tant que plaignant
»
Cette résolution
daoût 1948 comporte trois points, trois étapes à
suivre par les gouvernements indiens et pakistanais. Le premier point
définit les modalités dun cessez-le-feu entre les
deux armées et le second celles du retrait de leurs troupes.
La collusion entre larmée pakistanaise et les commandos
de mercenaires pachtounes, ainsi que son invasion du Jammu-Cachemire
y sont clairement reconnues. En effet, il est demandé au gouvernement
pakistanais de tout mettre en uvre pour faciliter le retrait de
ces commandos et de tous les ressortissant pakistanais entrés
illégalement au Jammu-Cachemire pour combattre. Les territoires,
une fois évacués, seront administrés par les autorités
locales sous la supervision de lU.N.C.I.P. Et ce nest seulement
quaprès que la Commission aura constaté le retrait
total des forces pakistanaises et de leurs supplétifs que lInde
devra commencer le retrait de ses propres troupes. Toutefois, New Delhi
est autorisée à maintenir une force suffisante afin dassister
les autorités locales au maintien de lordre et de la loi
sur le territoire occupé par ses troupes au moment du cessez-le-feu.
Et ce nest quune fois ces deux points implémentés
que le troisième pourra être abordé, à savoir
que le futur statut de lÉtat du Jammu-Cachemire soit déterminé
selon la volonté de son peuple. Et à ce moment là,
il est question de la population de lintégralité
de cet État, soit la vallée du Cachemire, la province
du Jammu et le Ladakh sous contrôle indien, mais aussi les provinces
de Gilgit, du Baltistan, du Nord-Ouest et la partie du Cachemire sous
contrôle pakistanais. Or aujourdhui, lorsque lon évoque
la crise cachemirie et les résolutions de lO.N.U., il nest
plus question que du statut de la seule vallée du Cachemire sous
contrôle indien.
Il est à noter
que, du fait quelle autorise le maintien de troupes indiennes,
cette résolution reconnaît lautorité de lInde
sur le Jammu-Cachemire jusquà ce que son peuple se soit
prononcé.
Le gouvernement pakistanais
ne respectera pas le cessez-le-feu et ne procédera pas au retrait
de ses troupes. Bien au contraire celles-ci seront renforcées
au point dêtre décrites par le conseiller militaire
de lU.N.C.I.P. comme « une force formidable »
et elles poursuivront leurs opérations dinfiltration. Aussi,
la tension restera très vive entre les deux pays jusquà
la fin de lannée 1948.
Il faudra attendre le 31 décembre,
une minute avant minuit, pour que lInde et le Pakistan, sous la
pression internationale, signent un accord officiel de cessez-le-feu
qui entre en vigueur à partir du 1er janvier 1949.
La
guerre sachève sans que les agresseurs soient clairement
condamnés et fermement sanctionnés malgré les atrocités
commises, et sans que le statut du Jammu-Cachemire ne soit clarifié.
Les Pakistanais occupent les 2/5 de son territoire : le « Pakistan
Occupied Kashmir » (P.O.K.) « lAzad Kashmir »,
le « Cachemire libre » pour le Pakistan ,
ainsi que les provinces du Nord-Ouest, de Gilgit et du Baltistan.
La résolution
du 5 janvier 1949 qui suit le cessez-le-feu est complémentaire
de la précédente. Elle préconise que laccession
de lÉtat du Jammu-Cachemire, à lInde ou au
Pakistan lindépendance est exclue , soit déterminée
de façon démocratique par un plébiscite libre et
impartial sous les auspices de lO.N.U., dont elle fixe les grandes
lignes. Et, conformément à la résolution de 1948,
le pré-requis à lorganisation de ce plébiscite
est la totale démilitarisation de la partie du Jammu-Cachemire
occupée illégalement par les troupes pakistanaises puis
le retrait partiel des troupes indiennes.
Le 14 mars 1950, constatant
que la démilitarisation du Jammu-Cachemire nest toujours
pas effective, le Conseil de Sécurité de lO.N.U.
adopte la résolution 80 qui met fin à lU.N.C.I.P.
et désigne Sir Owen Dixon comme son représentant officiel
direct ayant la charge de superviser le programme de démilitarisation
tel quil est défini dans les deux précédentes
résolutions de 48 et 49.
Un an après,
sur la base dun rapport de Sir Owen Dixon, le Conseil de Sécurité
adopte une nouvelle résolution qui sapparente à
un constat déchec. Le Conseil se borne à y réaffirmer
son rôle dans la recherche dune solution à «
la dispute » entre lInde et le Pakistan, et, rappelant les
résolutions de 48 et 49, il insiste auprès de leur gouvernement
pour quils arrivent rapidement à un accord sur la démilitarisation
qui na toujours pas commencé. Le Dr Franck Graham qui succède
à Sir Owen Dixon se voit confié la même mission
que ce dernier. Mais le Conseil ne semble guère optimiste quant
à la réussite de celle-ci. En effet, si aucun accord nest
obtenu dans les trois mois, il est demandé au Dr Graham de rapporter
au Conseil les points de divergence entre les deux belligérants
par rapport aux modalités fixées dans les résolutions
de 48 et 49 quils avaient pourtant acceptées.
Le 10 novembre 1951,
nouvelle résolution de lO.N.U., la résolution 96,
qui suit le rapport du Dr Graham présenté au Conseil de
Sécurité le 18 octobre. Le Conseil se félicite
des déclarations de bonnes intentions des deux parties qui se
disent déterminées à obtenir un accord pacifique.
Mais si lInde et le Pakistan affichent une volonté de respecter
le cessez-le-feu et se disent toujours favorables à lorganisation
dun plébiscite sous les auspices de lO.N.U., aucun
progrès nest enregistré sur le plan de la démilitarisation
rappelons-le, pré-requis à ce plébiscite.
Mais le gouvernement
pakistanais ne retirera jamais ses troupes, sachant très bien
que suite aux atrocités commises par celles-ci et ses commandos
de mercenaires sur les populations, et du fait de la nature même
de lislam cachemiri fortement imprégné dhindouisme,
les Cachemiris ne choisiraient pas le rattachement au Pakistan. En conséquence,
les troupes indiennes resteront elles aussi sur leurs positions. Aussi,
les résolutions qui suivront ne feront que constater la non implémentation
des clauses relatives à la démilitarisation de lÉtat
du Jammu-Cachemire définies par les résolutions de 1948
et 1949.
Il est intéressant
de noter quau fil des ans loccupation pakistanaise va devenir
un fait accompli, et il ne sera plus fait mention du Pakistan en tant
quagresseur alors que, conformément à lActe
daccession signé par Hari Singh et aux résolutions
de lO.N.U., le Jammu-Cachemire faisait légalement partie
de lUnion indienne, du moins jusquaux résultats du
plébiscite.
En ce qui concerne
le choix du statut du Jammu-Cachemire sous contrôle indien, lAssemblée
constituante de lÉtat, démocratiquement élue,
ratifie en février 1954 son accession à lUnion indienne,
et elle adopte en 1956 la Constitution du Jammu-Cachemire qui déclare
que laccession à lInde est « finale et irrévocable
». Mais, bien que le représentant de lUnion Soviétique
à lO.N.U. déclare que « la question de laccession
du Cachemire a été résolue par le peuple lui-même
[
] qui a décidé que le Cachemire est une partie
intégrante de la République indienne », lO.N.U.
rappelle dans sa résolution du 24 janvier 1957 que cette accession
ne peut se faire que dans le cadre des différentes résolutions
adoptées par le Conseil depuis 1948. Et son Président,
Monsieur Gunnar Jarring, sinquiète du fait que si les résolutions
ne sont pas implémentées rapidement il sera de plus en
plus difficile de parvenir à une solution conforme à celles-ci
la situation dans la région ayant considérablement
changé depuis leur adoption.
Le Dr Franck Graham lui fait écho
en mars 1958 en avançant quil est devenu impossible damener
les deux belligérants à appliquer la résolution
de 1948.
Si, dès 1958,
lO.N.U. faisait ce constat déchec au regard des changements
survenus au Jammu-Cachemire principalement le renforcement des
troupes et lévolution politique les évènements
qui suivront ne pouvaient que rendre ces résolutions totalement
obsolètes.
En effet, comme nous lavons évoqué,
le Jammu-Cachemire sous contrôle indien sest doté
en 1951 dune Assemblée constituante et cette Assemblée
a adopté en 1956 la Constitution de cet état qui déclare
que laccession du Jammu-Cachemire à lInde est «
finale et irrévocable ». Par ailleurs, lInde
devenue une république depuis 1950 a octroyé au
Jammu-Cachemire un statut spécial définit par larticle
370 de sa Constitution. Celui-ci lui accorde des droits et privilèges
particuliers en matière de politique intérieure et, également,
en faveur des populations autochtones.
Dautre part, les territoires occupés
par le Pakistan vont subir un important changement démographique,
particulièrement dans la région du Cachemire occupé
par le Pakistan (P.O.K.), au détriment des Cachemiris et en faveur
des Punjabis pakistanais, ethnie majoritaire qui, au Pakistan, contrôle
les hautes sphères de lÉtat et de ladministration,
modifiant ainsi les règles du jeu initiales concernant un éventuel
plébiscite.
Et
en 1963, le Pakistan, si prompt aujourdhui à brandir les
résolutions de lO.N.U., décide de façon unilatérale
de donner à sa fidèle alliée, la Chine, une partie
du Jammu-Cachemire, le Shaksgam,
quil occupe illégalement et ce sans consulter sa population.
Ce territoire est toujours occupé aujourdhui
tout aussi illégalement par la Chine sans que la communauté
internationale ne sen émeuve, et il reste un contentieux
entre lInde et la Chine, tout comme lAksaï Chin, cette
importante partie du Ladakh annexée par la Chine dans les années
50 au nez et à la barbe des autorités indiennes [11].
Bien que nous ne développons pas dans cette étude le rôle
de la Chine trop souvent oublié il est à
signaler que celui-ci est prépondérant dans limbroglio
cachemiri du fait de la complicité de la Chine avec le Pakistan
et son hostilité à lInde.
En conséquence de tous ces changements,
lorsque la situation au Jammu-Cachemire sera à nouveau évoquée
au Conseil de sécurité, après une nouvelle agression
pakistanaise contre lInde en 1965, il ne sera plus fait mention
des résolutions de 1948 et 1949.
Ainsi,
les conditions préalables à lorganisation dun
plébiscite auprès du peuple du Jammu-Cachemire nauront
jamais été réunies [12],
et de fait les Nations Unies nont jamais demandé à
lInde de conduire une telle consultation.
Aussi, il est assez ironique de constater
que le Pakistan, responsable de la non implémentation de ces
résolutions lorsquelles ont été adoptées
par lU.N.C.I.P., se référant au seul plébiscite,
demande aujourdhui à New Delhi de les appliquer, qui plus
est dans la seule partie du Jammu-Cachemire sous autorité indienne,
et ce, alors quelles sont devenues totalement obsolètes
au regard de changements auxquels ce même Pakistan a largement
contribué. De toute évidence, par cette revendication
du droit du peuple cachemiri à disposer de lui-même, les
autorités pakistanaises cherchent à exploiter sur le plan
international les velléités sécessionnistes dorganisations
cachemiries quelles contrôlent, ainsi que linstabilité
et la violence quelles ont contribuées à instaurer
au Jammu-Cachemire par lintermédiaire de terroristes et
mercenaires enrôlés par des organisations islamistes ayant
pignon sur rue au Pakistan.
À
suivre
(4ème
partie)
Laurent
Baldo
Juin 2004
© Jaïa Bharati
(Laurent Baldo
a vécu sept ans en Inde, pays où il retourne régulièrement
et où il a de nombreux contacts. Il est membre fondateur de l'association
Jaïa-Bharati dont
il est Président.)

Notes :
[1] Le crédit en revient
essentiellement à la politique habile et ferme de Sardar Valabhbhaï
Patel et de son lieutenant V.P. Menon qui surent convaincre les souverains
de ces centaines dÉtats dopter pour lUnion
indienne. Valabhbhaï Patel nhésita pas à employer
la force pour garder dans le giron de lUnion indienne les États
princiers de Hyderabad et du Junagadh, peuplés majoritairement
dhindous mais dirigés par des musulmans, afin de bâtir
une structure unifiée politiquement et territorialement.
[2] Les Pachtounes sont des tribaux
musulmans vivant dans les provinces situées de part et dautre
de la ligne Durand qui délimite la frontière entre le
Pakistan et lAfghanistan. Du nom dun haut diplomate anglais,
Sir Mortimer Durand qui la traça en 1893 dun trait de plume
sur une carte, la ligne Durand partage les régions pachtounes
autrefois afghanes, entre ces deux pays. À ce jour, les Pachtounes
ne la reconnaissent toujours pas et la traversent comme bon leur semble
dans les deux sens. De nombreux Talibans et jihadis dAl Quaïda
ont trouvé refuge lors de la guerre dAfghanistan consécutive
aux attentats du 11 septembre 2001 dans la partie pakistanaise, le Pakhtunistan
(la North-West Frontier Province NWFP du Jammu-Cachemire
historique)..
[3] Le 14 août 1951, des
responsables musulmans indiens, parmi lesquels le Dr Zakir Hussain,
Vice-chancelier de luniversité musulmane dAligarh
et futur Président de lInde, soumettront un mémorandum
au Dr Frank Graham, représentant des Nations Unies chargé
du dossier cachemiri, dans lequel ils dénoncent les brutalités
des forces pakistanaises envers les musulmans cachemiris : « Il
est à noter, sindignent-ils, que les mêmes musulmans
pakistanais qui souhaitent aujourdhui que les musulmans cachemiris
se joignent à eux, envahirent le Cachemire en octobre 1947, tuant
et pillant ces musulmans, violant les femmes musulmanes, sous prétexte
de ce quils ont décrit comme étant la libération
de leurs frères musulmans de cet État. »
[4] Extraits de la lettre poignante
du Maharaja Hari Singh adressée à Lord Mountbatten le
26 octobre 1947 : « [
] Mon cur saigne quand je vois
le nombre de femmes qui ont été enlevées et violées.
Les forces sauvages qui déferlent ainsi sur notre État
avancent sur Srinagar, dans lintention de prendre cette ville,
capitale dété de mon gouvernement, comme première
étape dune prise de contrôle de lÉtat
tout entier.
Linfiltration massive dhommes
des tribus des zones lointaines de la frontière du Nord-Ouest,
qui arrivent par vagues régulières dans des camions par
la route Mansehra-Muzzafarabad, armés jusquaux dents avec
du matériel de pointe, ne peut en aucun cas avoir lieu sans que
le gouvernement de la province du Nord-Ouest (North-West Frontier Province)
et le gouvernement du Pakistan ne soient au courant. Malgré les
demandes répétées de mon gouvernement, rien na
été tenté pour contrôler ces assaillants
ou les empêcher denvahir mon État. La radio pakistanaise
a même annoncé quun gouvernement provisoire aurait
été constitué au Cachemire. La population de mon
État, quelle soit hindoue ou musulmane, na pris aucune
part à ces agissements.
Pour que mon État soit sauvé,
une aide doit parvenir de toute urgence à Srinagar. [
]
»
[5] Voici ce quécrit
Stanislas Ostrorog, Ambassadeur de France en Inde et au Népal
dans les années cinquante, dans un courrier daté du 21
juin 1952 après un voyage au Cachemire : « Jai parcouru
le pays, visitant notamment les lieux qui subirent en 1947 linvasion
des tribus. Jai vu les restes du pillage et des destructions.
Jai écouté des religieuses européennes, témoins
et victimes de ces événements. Il serait injuste de ne
pas reconnaître le service rendu par larmée indienne
qui arrêta lagresseur et le força de reculer. Mais
cest en considérant les choses sur place quon découvre
toute la complexité du problème avec tout ce qui contrarie
une solution conforme à la logique occidentale et aux principes
démocratiques. [
] En 1947, les gens des tribus arrivèrent
à quelques kilomètres de Srinagar. Si la capitale avait
été prise et la grande plaine occupée, toute résistance
devenait impossible. Envoyées par avion, les troupes indiennes
arrivèrent à la onzième heure. Cette intervention
changea tout [
] » (Courrier dOrient, Stanislas
Ostrorog, page 74).
[6] Gandhi, qui avait été
son mentor sera assassiné le 30 janvier 1948 par un nationaliste
indien, Nathuram Godse.
Godse reprochait à Gandhi sa politique
pro-musulmane responsable, à ses yeux, de la partition de l'Inde.
Il ne lui pardonnait pas non plus d'avoir trahi la confiance des Indiens
en acceptant la partition. Il réprouvait ses jeûnes « jusqu'à
la mort », utilisés comme pouvoir de coercition à
l'encontre du Congrès et des hindous mais jamais pour fléchir
la politique de la Ligue musulmane. Aussi, lorsque début janvier
48 Gandhi annonça son intention de poursuivre un jeûne
« jusqu'à la mort », pour que cessent les affrontements
intercommunautaires en Inde, et aussi pour qu'une partie des réserves
financières de l'Inde soit reversée au Pakistan, Nathuram
Godse, pour qui cette nouvelle concession à Jinnah était
intolérable, décida alors de l' assassiner.
Parmi les conséquences de la partition,
il avait fallu procéder au partage des biens cédés
par l'Empire et les diviser proportionnellement entre les deux dominions.
Les réserves monétaires en faisaient partie et la part
revenant au Pakistan s'élevait à 550 millions de roupies.
Or, depuis septembre 47, la guerre faisait rage au Jammu-Cachemire,
avec son cortège d'atrocités commises par les agresseurs,
et en janvier 48 il n'y avait plus l'ombre d'un doute que ceux-ci étaient
soutenus par le Pakistan de Jinnah et encadrés par des soldats
pakistanais. Aussi, Nehru et Patel s'opposaient à tout paiement
tant que la question du Cachemire ne serait pas résolue, estimant
que, dans ces conditions, remettre cette somme au Pakistan revenait
à lui tendre le « nerf de la guerre » sur un
plateau. « Bien entendu, aucun Indien n'aurait démenti
un tel point de vue. On ne fait pas cadeau d'une énorme somme
d'argent à un pays qui vous fait la guerre. Mais Gandhi était
l'exception. » écrit Manohar Malgonkar dans Les
hommes qui tuèrent Gandhi , p 28. Mais comme à leur
habitude, les dirigeants Indiens cédèrent au chantage
de Gandhi. Le gouvernement remit les 550 millions de roupies au Pakistan
sans aucune contrepartie politique et alors que les troupes pakistanaises
régulières étaient de plus en plus présentes
sur le théâtre des opérations au Jammu-Cachemire.
[7] En novembre 1947, Lord Mountbatten
se rendit à Lahore pour sentretenir du conflit avec Jinnah.
Il lui demanda son avis sur la façon de mettre fin aux combats.
Jinnah répondit que les combattants pachtounes et les troupes
indiennes qui venaient d'atterrir à Srinagar devraient se retirer
simultanément. Jinnah avait pourtant toujours nié avoir
la moindre connaissance de lexistence de ces combattants. Pour
citer Mountbatten, lorsqu'on lui demanda comment ces Pachtounes pourraient
être rappelés, Jinnah répondit que « tout
ce qu'il avait à faire, c'était de leur donner l'ordre
de se montrer au grand jour, et de les avertir que s'ils n'obtempéraient
pas, il déploierait d'importantes forces le long de leurs lignes
de communication. En fait, si j'étais prêt à me
rendre à Srinagar en avion avec lui, il donnerait sa garantie
que l'affaire serait réglée dans les 24 heures. »
Dans une note à Nehru, exemple typique de la litote britannique,
le Gouverneur Général de l'Inde écrivit qu'il «
exprimait un léger étonnement quant à l'ampleur
du contrôle que Jinnah semblait exercer sur ces combattants ».
[8] Il est intéressant
de rappeler la lettre que Nehru écrivit à Lord Mountbatten
le 20 décembre 1947 : « Allons-nous permettre au Pakistan
de poursuivre l'entraînement de nouvelles armées d'invasion
et de permettre l'utilisation de son territoire comme base de ces attaques
? Il est évident que la conduite à tenir serait pour nous
de frapper ces concentrations et leurs lignes de communication sur le
territoire pakistanais. Ce serait l'action la plus efficace du strict
point de vue militaire. Nous y avons renoncé pour des raisons
politiques. Mais nous aurons à reconsidérer cette position
car la situation actuelle est intolérable. Si le Pakistan n'est
pas prêt à mettre un terme à cette guerre, ni même
à essayer de rappeler les envahisseurs, nous devrons intervenir
nous-mêmes, quitte à pénétrer dans certaines
parties du Pakistan pour détruire ces concentrations. Ceci implique
un risque de guerre avec le Pakistan. Nous souhaitons éviter
cette guerre, mais ce serait nous bercer d'illusions de nous imaginer
que nous y échapperons aussi longtemps que les opérations
actuelles se poursuivent des deux côtés »
Cinquante six ans après
rien nayant été mis en uvre par la communauté
internationale et les gouvernements indiens successifs pour éradiquer
ces « concentrations » les infiltrations vers lInde
de combattants à la solde dIslamabad se poursuivent toujours,
mais aujourdhui elles se font depuis les territoires occupés
aux Jammu-Cachemire par les Pakistanais en 1947. Et les dirigeants indiens
continuent de tenir des propos similaires à ceux de Nehru pour
les condamner
[9] Depuis, largument dune
menace que ferait peser sur le Pakistan une Inde aux velléités
hégémoniques a toujours été utilisé
par les militaires et les dirigeants pakistanais pour justifier le budget
exorbitant alloué à larmée. LInde na
pourtant jamais attaqué son voisin qui, après lagression
de 1947, lenvahira à nouveau en 1965 et 1999. Le Pakistan
tentera aussi de semparer du Jammu-Cachemire sous contrôle
indien lors du conflit de 1971 conséquent à lintervention
indienne au Pakistan Oriental en faveur de la guérilla sécessionniste
bangladeshie.
[10] Voir liste dans les références
en fin de document.
[11] Ces années là,
Nehru, fasciné par la personnalité de Mao et la révolution
chinoise, poursuit une politique résolument pro-chinoise que
célèbre le slogan quil lance : « Hindi-Chini-Bhaï-Bhaï
» (les Indiens et les Chinois sont frères). Nehru nhésitera
pas à sacrifier le Tibet envahi par la Chine maoïste en
1950 sur lautel de cette « amitié ». Fin stratège,
Mao invite Nehru à Pékin en 1954 où ce dernier
reçoit un accueil triomphal par plus dun million de personnes
venues lacclamer « spontanément », agitant
des petits drapeaux indiens. Grisé, Nehru, que Mao a habilement
flatté, se veut le chantre de la Chine communiste et il fermera
les yeux sur la tragédie qui se déroule sur le Toit du
monde. Profitant de laveuglement de Nehru, les Chinois entreprennent
dès 1955 la construction de routes sur le plateau du Ladakh qui
relient le Tibet au Singkiang, saccaparant ainsi plusieurs milliers
de km2 de territoires indiens rebaptisés Aksaï Chin. Informé
par son armée, Nehru cachera ce fait à la nation pendant
trois années, préférant brader lintégrité
du territoire indien plutôt que de perdre « lamitié
» de Zhou en Laï, le Premier ministre chinois. En 1959, Nehru
déclarera à la Chambre des députés «
que pas même une pousse dherbe » ne poussait en Aksaï
Chin, alors « pourquoi faire tant dhistoires pour quelques
rochers ». Il faudra attendre lagression chinoise de 1962,
avec la déroute de larmée indienne, pour que Nehru
reconnaisse enfin son fourvoiement. Il ne sen remettra jamais
et décèdera en 1964 laissant à lInde le problème
non résolu du tracé des frontières avec la Chine.
[12] Bien au contraire, à
ce jour le Pakistan na non seulement toujours pas démilitarisé
les territoires occupés illégalement, mais il y héberge
des camps dentraînement de terroristes fondamentalistes
musulmans de toutes nationalités Arabes, Afghans, Tchétchènes
et Pakistanais qui mènent la djihad, « guerre sainte
», au Cachemire.

Références :
The History and Culture
of the Indian People, General Éditor R.C. Majumdar, Ed. Bharatiya
Vidya Bhavan, Bombay 1955.
L'Inde
et la Renaissance de la Terre, Sri Aurobindo, Ed. Institut de
Recherches Évolutives, Paris, 1998.
Histoire
de l'Inde, A. Daniélou, Ed. Fayard, Paris, 1971.
Un
Autre regard sur l'Inde, F. Gautier, Ed. du Tricorne, Genève,
2000.
La
politique française de Nehru (1947-1954), Claude Arpi, Collection
des Pavillons, Auroville Pess, 2002.
Les hommes qui tuèrent
Gandhi, Manohar Malgonkar, Traduit de l'anglais par Patrice Shankar
Ghirardi, Éd. du Cerf, Paris, 1998.
Courrier
dOrient, Stanislas Ostrorog, Ambassadeur de France en Inde
et au Népal, Presses Universitaires de Nancy,
1991.
Restructuring Pakistan,
Maj. Gén. Vinod Saighal, Ed. Manas Publications, New-Delhi, 2002.
Guerres
contre l'Europe, Alexandre Del Valle, Ed. des Syrtes, Paris, 2001.
Tibet
le pays sacrifié, Claude Arpi, Éditions Calmann-Lévy,
2000. Épuisé.
And the World Remained
Silent, par Ashok Pandit. Documentaire sur lépuration
ethnique des pandits Cachemiris.
Mr
Straw, do you know who created the Kashmir mess ?, Claude Arpi,
publié dans le journal indien online Rediff.com,
mai 2002.
Land
of the Passes, Claude Arpi, journal indien online Rediff.com,
juillet 2002.
Word
of the wises, Claude Arpi, journal indien online Rediff.com, 14
mai 2003.
Kashmir
- The Crown of India, Prof. L. N. Dhar, Vivekananda Kendra, Kanyakumari,
Inde, juin 1984.
Site internet http://www.kashmir-information.com/
J&K
FAQ - Frequently Asked Questions, compilé par CIFJKINDIA
Team.
Site internet : http://www.cifjkindia.org
Lets
we forget de B. Raman, publié dans l'hebdomadaire indien
Outlook en février 2002.
Troubles
in Tachkent, Kuldip Nayar, journal indien online Rediff.com.
The
errors of Simla, J. N. Dixit, journal indien online Rediff.com.
Jyotindra Nath Dixit fut Ministre des affaires étrangères
en Inde et était member du ministère des affaires étrangères
au moment des accords de Simla auxquels il participa.
Rapport
dinformation, Sénat, Commission des Affaires étrangères,
de la défense et des forces armées.
Mission effectuée du 3 au 10 juin 2002 en Inde et au Pakistan.
(http://www.senat.fr/rap/r01-336/r01-3360.html)
Inde
Pakistan : mutations et crises, Le Monde, dossier et documents,
n° 325 Novembre 2003
Résolutions
O.N.U. : URL : www.ummah.org.uk/kashmir/unres
1948
17 janvier Document n° S/651 - Résolution 38
; soumise par le représentant de la Belgique, adoptée
par le Conseil de sécurité.
Pour : Argentine, Belgique, Canada, Chine, Colombie, France, Syrie,
Grande-Bretagne, USA - Contre : Personne - Abstention : Ukraine et URSS.
21 avril Document n° S/726 - Résolution 47
; soumise conjointement par les représentants de Belgique, Canada,
Chine, Colombie, Grande-Bretagne et USA et adoptée par le Conseil
de sécurité.
Pour : Argentine, Canada, Chine, France, Syrie, Grande-Bretagne, USA.
Contre : Personne - Abstention : Belgique, Colombie, Ukraine SSR et
URSS.
3 juin Document n° S/819 - Résolution 51 soumise
par le représentant de la Syrie et adoptée par le Conseil
de sécurité.
Pour : Argentine, Belgique, Canada, Colombie, France, Syrie, Grande-Bretagne,
USA. - Contre : Personne - Abstention : Chine, Ukraine SSR et URSS.
13 août Document n° S/1100, Para 75, daté
du 9 novembre 1948. Résolution adoptée par les Nations-Unies,
Commission pour lInde et le Pakistan. Adoptée à
lunanimité.
1949
5 janvier Document n° S/1196, Para IS, daté
du 10 janvier 1949 ; Résolution adoptée par les Nations-Unies,
Commission pour lInde et le Pakistan. Adoptée à
lunanimité.
1950
14 mars Document n° S/1469 - Résolution 80
soumise par les représentants de Cuba, Norvège, Grande-Bretagne
et USA et adoptée par le Conseil de sécurité.
Pour : Chine, Cuba, Équateur, Egypte, France, Norvège,
Grande-Bretagne et USA - Contre : Personne - Absent : URSS. Abstention
: India, Yougoslavie.
1951
30 mars Document n° S/2017/Rev1 - Résolution
91 soumise par les représentants de Grande-Bretagne et USA et
adoptée par le Conseil de sécurité.
Pour : Brésil, Chine, Equateur, France, Pays-Bas, Turquie, Grande-Bretagne
et USA. Contre : Personne Abstention : Inde, URSS et Yougoslavie.
10 novembre Document n° S/2392 - Résolution
96 concernant la question Inde-Pakistan adoptée par le Conseil
de sécurité.
Pour : Brésil, Chine, Equateur, France, Pays-Bas, Turquie, Grande-Bretagne,
USA et Yougoslavie. Contre : Personne - Abstention : Inde et URSS.
1952
23 décembre Document n° S/2883, daté
du 24 décembre 1952 - Résolution 98 adoptée par
le Conseil de sécurité.
Pour : Brésil, Chili, Chine, France, Grèce, Pays-Bas,
Turquie, Grande-Bretagne et USA. Contre : Personne - Abstention : URSS.
1957
24 janvier - Résolution 122 adoptée par le Conseil
de sécurité.
Pour : Australie, Chine, Colombie, Cuba, France, Irak, Philippines,
Suède, Grande-Bretagne et USA. Contre : Personne - Abstention
: URSS.
21 février Document n° S/3793 - Résolution
123 adoptée par le Conseil de sécurité.
Pour : Australie, Chine, Colombie, Cuba, France, Irak, Philippines,
Suède, Grande-Bretagne et USA. - Contre : Personne - Abstention
: URSS.
