ON ASEPTISE LA DESTRUCTION DES TEMPLES
PAR L'ISLAM
par Meenakshi Jain
(L'auteur est historienne et professeur à
l'Université de Delhi)
Que la politique soit
ou non l'art du possible, il est certain que la façon dont on
écrit l'histoire de la communauté musulmane en Inde approche
très vite de cet heureux état. Il est vraiment extraordinaire
qu'à l'heure où les échos de la jihad retentissent
à travers le sous-continent, les spécialistes marxistes
et occidentaux dissocient désespérément les batailles
actuelles des luttes passées et dans la foulée, disculpent
délibérément les musulmans des exactions qui leur
sont traditionnellement imputées. L'aseptisation du profil public
de l'Islam est d'autant plus étonnante que l'Occident est de
plus en plus confronté à des problèmes de fondamentalisme
et de terrorisme.
Malgré cela, il existe entre l'expérience
historique de l'Inde et la situation actuelle un lien continu, que nous
ne pouvons ignorer qu'à nos risques et périls. Au cur
du sujet, se trouve un combat de civilisation depuis longtemps irrésolu
et voué à l'impasse, qui refuse de céder la place,
et demande enfin à être concrètement résolu.
Il ne s'agit pas seulement d'un heurt banal entre le monothéisme
islamique et le polythéisme hindou, comme on le prétend
dans les approches traditionnelles sur le sujet. Le problème
est beaucoup plus viscéral, ce qui explique à la fois
sa durée et son impact prolongés sur l'humanité.
L'idée que l'Inde est le dernier
refuge d'une tradition spirituelle autrefois universelle qui a été
remplacée partout par le sémitisme sous diverses formes
ne serait pas sans intérêt pour les spécialistes
de la religion. Étant donné que l'Islam est la forme extrême
du sémitisme et l'Inde la plus grande expression du « paganisme »,
la formule de compromis ne peut avoir logiquement aucun attrait pour
le premier. Telle demeure la douloureuse réalité, malgré
les efforts des historiens pour la camoufler.
L'intolérance envers l'idolâtrie
s'est manifestée d'abord en Arabie, sous l'impulsion du prophète
Mahomet, qui n'avait jamais vu l'Inde de sa vie. C'était là
l'inexorable logique du mouvement religieux qu'il avait lancé.
(Les musulmans, comme beaucoup d'autres, ont confondu le culte des images
pratiqué par les hindous avec l'idolâtrie. Or, les hindous
n'ont jamais été idolâtres. Ils ont toujours perçu
l'image comme un moyen de se concentrer sur le Tout-Puissant, mais ne
l'ont jamais confondue avec Lui. Des règles élaborées
régissaient la consécration d'une statue en tant qu'image
de culte, ainsi que son reclassement lorsqu'elle était abîmée).
Le problème de la destruction des
temples ayant acquis un regain d'acuité dans le sillage de la
controverse Babri Masjid-Ram Janmabhoom, il est compréhensible
que les universitaires aient consacré leurs remarquables talents
à éclaircir cet aspect particulièrement embrouillé
du passé. Il est impossible ici de donner un compte-rendu de
la riche littérature qu'a engendrée cet épineux
problème. Une référence à l'essai de Richard
Eaton sur « la profanation des temples et les états
indo-musulmans », publié dans son ouvrage « Essays
on Islam and Indian History » (OUP 2000), devrait suffire
à éclairer les principales thèses véhiculées
par ce genre d'écrit historique.
L'argument préliminaire qu'on y
trouve exposé affirme qu'un usage erroné des chroniques
et traités persans est responsable de la description peu flatteuse
attachée aux musulmans tout au long des âges. Les érudits-administrateurs
britanniques, assurent-ils, auraient volontairement produit des traductions
inexactes des textes persans, pour créer un contraste entre la
bienveillance de leur propre gouvernement et celui de leurs prédécesseurs,
fanatiques et intolérants. La vérité historique,
argumentent les actuels apologistes des musulmans, est que les chroniqueurs
persans de l'époque médiévale ont grandement exagéré
et parfois même inventé les agapes de destructions de temples
auxquelles se seraient livrés leurs mécènes.
Sans aucun doute, voilà qui soulève
plus de questions que cela n'en résout. Point n'est besoin d'avoir
l'esprit de communauté pour déduire que la profanation
des sites sacrés hindous était considérée
comme une activité méritoire dans tout le monde musulman,
raison pour laquelle les écrivains en question éprouvaient
le besoin de glorifier de tels actes, qu'ils aient réellement
eu lieu ou non. Il est certain que même les plus pro-musulmans
des historiens auraient bien du mal à nommer un seul écrivain
médiéval, quelle que soit sa stature, qui ait désapprouvé
un tel vandalisme ou l'ait considéré comme contraire à
l'Islam. En outre, le fait même de la destruction n'est contesté
par aucun spécialiste, même s'il existe un débat
sur ses possibles motivations.
C'est en accord avec ce contexte que la
communauté musulmane perçoit les modalités de son
expansion dans le sous-continent et le rôle central que joue la
destruction des temples dans la mémoire collective de l'état
et du peuple musulman. Les légendes locales présentent
invariablement l'éloge d'une petite troupe de fidèles
qui arrivent comme des porte-flambeaux de la foi sur un terrain hostile
et affrontent la résistance de la population infidèle.
Le rude combat qui s'ensuit culmine avec la prise du temple par l'armée
de Mahomet, sa transformation en mosquée et la conversion des
principaux chefs païens à l'Islam. Après quoi, la
mosquée devient le propagateur de l'Islam dans la région,
et au fil du temps, elle contribue à l'établissement d'une
importante population musulmane dans les environs. Quelle que soit la
façon dont les historiens modernes interprètent de tels
récits, ils montrent bien de quelle façon la communauté
musulmane préfère entendre raconter son expansion.
L'ingéniosité des spécialistes
modernes est très sérieusement mise à l'épreuve
dans le cas de Mahmud Ghazni. Même dans le monde musulman, il
est difficile de battre son record dans la destruction de temples, l'homme
appartenant à une espèce à part. Pourtant, on nous
demande de croire qu'il s'agissait là « d'exploits
séculiers », destinés à financer ses
ambitions politiques dans le Khurasan. Le pillage auquel il s'est livré
sur les cités iraniennes est cité à l'appui de
cet argument. Mais, demanderont les sceptiques, s'en est-il pris également
à l'architecture sacrée musulmane dans l'ancienne Perse
? De plus, quelle était la proportion exacte des richesses indiennes
effectivement concentrées dans les temples et quelle part représentaient-elles
dans la totalité du butin que Mahmud a extorqué à
ce pays ? Est-ce que les dédommagements et profits de guerre
qu'il a tirés des princes indiens ne dépassaient pas de
loin ce qu'il a pillé dans les temples ? Si le besoin de réunir
des fonds destinés à poursuivre un programme expansionniste
était seul en cause, est-ce que le butin soutiré aux rajahs
indiens n'aurait pas suffi ?
Étant donné que la destruction
des temples ne s'est pas arrêtée après Mahmud Ghazni,
cette interprétation des événements, de toute évidence,
n'est pas vraiment viable. Après lui, tous les dirigeants musulmans
jusqu'à Aurangzeb se sont bel et bien livrés à
ce passe-temps, avec une fréquence égale ou un peu moindre.
Ainsi, les historiens modernes définissent la destruction des
temples à cette époque comme une activité purement
politique, visant à « dé-légitimer et
extirper les maisons régnantes hindoues après les avoir
vaincues ». Des spécialistes comme Eaton affirment
que c'est seulement dans les cas où des dirigeants hindous avaient
lié leur autorité politique à la protection royale
des temples qu'on a eu recours à la destruction. Cet activisme,
dit-il, n'était pas provoqué par la « théologie
de l'iconoclasme » mais par le désir de balayer « toute
autorité politique antérieure » dans les territoires
récemment conquis. De plus, affirme-t-il, attaquer les images
protégées par des rois ennemis était une attitude
parfaitement intégrée dans le comportement politique indien
dès le 6ème siècle Av. J.-C., longtemps avant l'arrivée
des islamistes sur le sous-continent. Les musulmans, soutient-il, n'ont
fait que suivre et perpétuer des règles déjà
établies dans le sous-continent.
C'est là une présentation
habile des événements, mais hélas, gravement défectueuse
sur de nombreux points. Ainsi qu'il apparaît à l'évidence,
l'intention fondamentale est de réduire, sinon d'éliminer
complètement la dimension religieuse dans la vision du monde
des conquérants musulmans. Mais la prétendue orientation
séculaire des sultans ne se concilie pas aisément avec
leurs efforts constants pour demeurer aux côtés des théologiens
de l'Islam. Logiquement, la bienveillance des seconds devait impliquer
un compromis dans l'attitude des premiers, les deux perspectives étant
diamétralement opposées.
Eaton lui-même attire l'attention
sur les liens étroits qui s'étaient forgés entre
les théologiens musulmans (il se réfère surtout
à l'ordre Chishti Sufi) et l'état islamique. Chaque fois
qu'un état musulman s'est établi dans le sous-continent,
les théologiens musulmans, nous dit-il, ont insufflé une
« substance » légitimante dans le corps
politique nouvellement créé, au moment de sa naissance.
De cette constante association des soufis
à la formation de l'état islamique, il serait logique
de déduire que les empires musulmans avaient une dimension religieuse
prononcée. Dans le monde hindou, par contraste, la religion et
l'état n'ont jamais connu pareille relation symbiotique, et il
y a eu peu d'exemples, sinon aucun, de pandits hindous activement impliqués
dans la formation de l'état. Dans le monde hindou, la séparation
de la religion et de l'état était un fait depuis le début.
Il est certain que ses chefs spirituels ne pontifiaient pas sur les
matières concernant l'état ni sur la politique à
mener vis-à-vis des sujets appartenant à des confessions
différentes. Les bhikshus bouddhistes, par exemple, n'ont jamais
conseillé l'empereur Ashoka sur la manière de traiter
ses sujets hindous, tout comme les brahmines évitaient de diriger
les initiatives des rois Gupta à l'égard des sanghas.
En outre, si les dirigeants hindous se
faisaient les protecteurs des temples, ils ne s'attaquaient jamais aux
modes de culte déjà existants et n'imposaient pas leurs
dieux favoris à leur peuple. En fait, dans un nombre significatif
de cas, ils ont renforcé le culte des divinités locales
déjà existantes, phénomène qui a contribué
au grand « boom » qu'a connu la construction des
temples à partir du 6ème siècle, et auquel Eaton
fait allusion. Le seigneur Jagannath, par exemple, très connu
comme divinité officielle de l'Orissa, était vénéré
à l'origine par quelques communautés tribales et a été
adopté plus tard comme déité régionale par
les dynasties qui se sont succédées à la tête
de l'état.
Même si l'on admet que les temples
étaient devenus un terrain de « contestation de l'autorité
royale » avant la venue des musulmans, le fait demeure que
les rois hindous essayaient de s'approprier les symboles d'identité
de leurs rivaux, plutôt que de les réprimer ou de les détruire,
comme le firent les conquérants musulmans. La différence
d'intention est importante.
Il ne serait pas non plus déplacé
de se demander pourquoi les souverains musulmans, lorsqu'ils combattaient
des adversaires islamiques, n'ont jamais saccagé l'architecture
sacrée musulmane placée sous la protection du parti ennemi.
Si les temples étaient détruits dans l'unique but de « balayer »
toute autorité politique antérieure, les mosquées,
mazhars, dargas et madrasas associées aux renégats, rebelles
ou usurpateurs musulmans auraient dû subir le même sort.
S'il n'en fut pas ainsi, c'est parce qu'elles faisaient partie d'une
culture religieuse commune partagée par les musulmans des deux
bords politiques en conflit. Les temples hindous, qui n'appartenaient
pas à cette tradition spirituelle et constituaient en fait l' « altérité »
méprisée dans le discours théologique musulman,
ont inévitablement connu un sort différent.
Enfin, le Pr. Eaton souligne qu'à
partir du moment où le territoire d'un rajah hindou était
incorporé au royaume musulman, les temples qui s'y trouvaient
étaient traités comme une propriété d'état
et ne faisaient plus l'objet de déprédations. Pourtant,
se hâte-t-il d'ajouter, toute activité suspecte de la part
de l'ex-souverain hindou rendait immédiatement le temple passible
d'une attaque.
Il est certain que cette concession démasque
les points faibles de son argumentation. Si, comme il l'a affirmé
auparavant, les sultans musulmans s'en prenaient aux temples parce qu'ils
représentaient une légitimité, le lien entre le
souverain hindou et le temple avait dû se briser au moment de
l'annexion du royaume et de son absorption dans l'empire musulman. Pourquoi
dans ce cas avoir recours ensuite à cette forme de châtiment
? Une telle attitude de la part des souverains musulmans prouve de façon
éloquente la fausseté de la prétendue synthèse
qui est censée avoir eu lieu sous leur gouvernement. Il est ridicule
de parler d'une culture hindou-musulmane, que ce soit sur le plan politique,
matériel ou spirituel, quand la première et invariable
réponse de tous les souverains musulmans aux plus minces des
prétextes, était d'attaquer les lieux sacrés de
leurs sujets infidèles.
Ce qui émerge nettement du tour
de force des historiens modernes à propos de la destruction des
temples dans l'Inde médiévale, c'est que même si
les motivations des sultans musulmans ont pu « évoluer »
et « progresser » au fil des siècles, il
n'y a pas eu le moindre changement dans le résultat final. Comme
l'admettent les spécialistes modernes, qu'il s'agisse de financer
des programmes expansionnistes, de consolider l'autorité politique,
ou de punir des princes hindous précédemment loyaux, les
souverains musulmans sans exception n'avaient qu'une réponse
toute faite à proposer : la destruction des temples. On se demande
comment les érudits modernes peuvent discuter ce fait. En outre,
le problème de la destruction des temples ne peut être
relégué à l'arrière-plan, étant donné
son impact sur le psychisme musulman. Au cours du dernier demi-siècle,
la destruction des temples a été largement pratiquée
au Pakistan, au Bangladesh et dans la vallée du Cachemire, pour
ne nommer que trois zones importantes. Comme les musulmans constituent
dans ces trois régions la communauté dominante sur le
plan majoritaire et politique et qu'ils n'ont pas à affronter
de menaces de la part des hindous, la profanation des temples ici ne
peut être à bon droit attribuée à la prétendue
nécessité politique de contenir les infidèles.
Les gauchistes indiens, à qui il
paraît futile de redresser les torts médiévaux,
se montrent totalement insensibles au fait que dans le monde musulman,
la destruction des temples n'est pas seulement un passe-temps révolu,
mais une tendance moderne qui s'inscrit dans une continuité et
que sa motivation sous-jacente n'est pas politique, mais religieuse.
Ce qui rend l'épisode de Babri si humiliant pour les musulmans,
c'est qu'il constitue l'un des rares exemples où c'est eux qui
subissent le dommage, bien que même là, les acteurs hindous
du drame aient pris soin de choisir une mosquée désaffectée
comme lieu d'expression de ce conflit.
On ne peut cependant réduire le
problème islamique en Inde à la seule question de la destruction
des temples, qui n'est qu'un symptôme du profond fossé
qui sépare les deux systèmes de croyance antithétiques.
Une véritable synthèse n'a jamais été une
solution réalisable, étant donné la profonde répulsion
qu'éprouvent les musulmans pour la fraternité religieuse
et leur mépris des traditions locales. Il n'est pas une école
de théologie islamique dans le sous-continent qui ait jamais
préconisé le dialogue, encore moins le rapprochement avec
les croyances des autochtones, ce qui est la condition sine qua non
de toute culture synthétique. L'hindouisme et l'Islam n'ont jamais
été placés sur un pied d'égalité
pendant toute la période de la domination politique musulmane.
Les historiens qui traitent le gouvernement
musulman exactement comme l'un des habituels brassages dynastiques de
l'Inde font preuve d'une appréciation inadéquate de la
nature cataclysmique du changement survenu en 1196, avec l'établissement
du premier état islamique dans le sous-continent. Les gouvernements
hindou et bouddhiste n'ont jamais eu le côté brutal qui
a été la caractéristique constante de la domination
musulmane ; jamais ils n'ont entraîné de conversions forcées,
ni l'imposition d'une élite politique étrangère,
ni la prédominance d'une langue et d'une culture étrangères.
Il est vrai que l'Inde a connu dans son passé lointain des souverains
étrangers, mais ils s'étaient complètement immergés
dans l'esprit du pays et s'étaient voués à propager
la grandeur de sa civilisation. Personne ne peut honnêtement affirmer
que les dirigeants musulmans aient cherché à rivaliser
avec de tels prédécesseurs.
Il existe désormais assez de preuves
littérales montant la résolution et la détermination
des classes religieuses musulmanes à s'assurer que l'Islam conserve
dans ce pays toute sa pureté originelle. Les historiens qui resservent
la rengaine des conversions pratiquées par les hindous sur les
musulmans se réfèrent à une période intérimaire
pendant laquelle ce type d'attitude a été progressivement
remplacé par des comportements islamiques. Bien qu'on puisse
dresser une liste sans fin des mouvements revivalistes musulmans, on
serait bien en peine d'en citer un seul qui ait prôné un
enracinement local de la foi.
Sur la base des preuves disponibles, il
est difficile d'appuyer l'affirmation des érudits marxistes,
selon laquelle une culture composite se serait développée
dans le pays. Il serait pourtant tout aussi faux de conclure que l'une
des deux croyances l'ait emporté sur l'autre. La lutte implicite
s'est poursuivie sous le gouvernement colonial, lorsqu'une écrasante
majorité de musulmans a refusé d'accepter l'éventualité
d'une prépondérance politique hindoue. La Partition a
découlé de la logique des événements, mais
dans la nature des choses, elle était aussi l'expression de cette
constante impasse de civilisation. Dans l'Inde indépendante,
la communauté politique hindoue a esquivé la dimension
plus vaste du combat et s'est engagée dans une politique de dilution
d'identité et d'apaisement musulman. En d'autres termes, elle
a assuré la continuation de l'impasse de civilisation, plutôt
que sa résolution. Ce monumental dérapage de l'élite
politique indienne a facilité l'ardente quête de l'Islam,
avide de reprendre la lutte avec son ennemi millénaire. Le Cachemire
est une expression du renouveau de ce combat, tout comme le silence
qu'observent la plupart des musulmans indiens sur ce nouveau théâtre
de la guerre.
Vue dans le contexte de l'implacable hostilité
de l'Islam contre le paganisme et de la nature expansionniste de sa
foi, la politique du Pakistan à l'égard de l'Inde revêt
une effrayante cohérence. Sa façon d'épouser la
cause des musulmans du Cachemire et le silence des musulmans dans le
reste de l'Inde sont significatifs de sa stratégie et de son
objectif. Il va de soi que si les droits des musulmans sont assurés
dans le reste de l'Inde, ils ne peuvent être menacés au
Cachemire, où pour le moins, l'état indien traite les
musulmans sur un pied d'égalité avec leurs coreligionnaires
dans le reste du pays. Il est clair que cette dimension du problème
requiert une explication.
C'est une double bataille qui se livre
aujourd'hui dans le sous-continent indien. On retrouve, de toute évidence,
le vieux combat millénaire entre l'Islam et les Kafirs. Moins
évident, mais plus crucial, est le conflit entre un pan-islamisme
essentiellement sunnite, avec sa dimension internationale et son mépris
des cultures locales, et un Islam non sunnite qui craint de se laisser
submerger par le premier et recherche des alliés et des liens
indigènes. Cet Islam-là en est encore à mener un
combat balbutiant pour sa survie. Il n'est pas surprenant que son principal
avocat soit originaire d'un état déchiré par les
dissensions, le Jammu-Cachemire, où les deux batailles font rage
conjointement. Il s'agit de l'actuel Premier ministre de l'état,
le Dr Farooq Abdullah.