
Applaudissons
l'ordonnance du Tamil Nadu
Traduction de l'article « Welcome the TN Ordinance »
par Swami Dayananda Saraswati
« The New Indian Express » du lundi 21 octobre
2002
J'applaudis à
la promulgation de l'ordonnance du gouvernement du Tamil Nadu bannissant
les conversions « par l'usage de la force, de manuvres
de séduction ou de tout type de moyen frauduleux ».
Elle franchit un pas que nous avons longtemps attendu. Un pas qui garantit
le plus fondamental des droits de l'homme aux citoyens du Tamil Nadu.
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, adoptée
par l'Assemblée Générale des Nations Unies, résolution
217 A (III), en décembre 1948, stipule dans son article 18 que
« quiconque a droit à la liberté de pensée,
de conscience et de religion ; ce droit inclut la liberté de
changer de religion ou de croyance ». Alors que cet article
avalise le droit de toute personne de changer sa religion, il ne permet
en aucun cas à qui que ce soit d'imposer une religion à
une autre personne.
À l'inverse, une action systématique
et coercitive pour imposer sa religion à une autre personne « par
l'usage de la force, de manuvres de séduction ou de moyens
frauduleux » est une claire violation de ce droit fondamental
de tout être humain. De plus, l'article 5 de la Déclaration
des Droits indique que personne ne doit faire l'objet d'un traitement
dégradant. Aucune conversion n'est possible sans que l'on dénigre
la religion ou les pratiques religieuses de la personne visée.
Ce dénigrement ne peut que choquer les membres de la famille
et la communauté de la personne convertie. Elle ou il est amené
à désavouer ses parents et l'ensemble de sa famille, à
dénoncer leur erreur en se déclarant la ou le seul à
être dans le vrai. Rien ne peut être plus blessant.
Le dénigrement de la religion de
quelqu'un et l'humiliation qui résulte de l'expérience
de la conversion sont des violations de la dignité qui doivent
être reconnues à tout être humain. L'article 19 accorde
à chacun la liberté de ses opinions, et les questions
de croyance, quelle qu'en soit la ferveur, ne se différencient
pas des questions d'opinion. L'article 22 stipule que toute personne
dispose des droits culturels indispensables à sa dignité.
Chaque personne de tradition non-chrétienne qui se trouve convertie
souffre de l'irrémédiable aliénation de sa propre
culture et, ce qui est particulièrement tragique en Inde, de
l'aliénation de sa propre famille.
De
l'expérience de la conversion résultent la honte, l'isolement,
un profond conflit intérieur et, finalement, les germes de la
discorde. L'histoire atteste la perte dévastatrice de cultures
riches et diverses, disparues à jamais en raison des conséquences
de la conversion religieuse. L'article 26 (2) de la Déclaration
des Droits de l'Homme indique que l'éducation doit « promouvoir
la compréhension, la tolérance et l'amitié entre
les nations et les groupes raciaux ou religieux ». Vis-à-vis
de cette déclaration, la conversion religieuse représente
une abomination. Elle promeut la discorde, l'intolérance et l'hostilité
et, de ce fait, elle représente un acte de violence. Je répète
que la conversion est un acte de violence parce qu'elle blesse profondément,
non seulement les membres de la famille du converti, mais aussi la totalité
de sa communauté. Dans chaque être humain, la personne
religieuse est ce qu'il y a de plus profond, dans la mesure où
elle est en relation avec des forces qui vont au-delà du domaine
empirique. On est dans son propre monde en relation avec des personnes
variées. Chez une personne donnée, le religieux est en
relation avec les forces de l'au-delà. C'est la raison pour laquelle
la blessure infligée à la personne religieuse est profonde
et que, lorsqu'elle prend un tour aigu, elle explose en violence.
La
conversion n'est pas seulement une violence, elle génère
la violence. La clameur de protestation proférée par certains
dirigeants chrétiens à l'annonce de cette ordonnance contre
la conversion indique qu'ils entendent maintenir leurs activités.
Je fais appel à eux pour qu'ils réfléchissent à
la façon dont les personnes converties peuvent en être
profondément affectées. Il est temps que les dirigeants
chrétiens en viennent à admettre que l'ordonnance ne viole
pas, mais au contraire protège le droit de toute personne de
pratiquer sa religion. De plus, elle ne fait pas de distinction entre
les groupes religieux. En fait, il est de la responsabilité des
dirigeants de toutes les religions d'apaiser les craintes de tous ceux
qui peuvent en éprouver dans leurs sphères d'influence
respectives. Il ne serait en revanche ni responsable ni moral pour un
chef religieux d'user d'une interprétation déformée
de cette ordonnance pour établir un quelconque droit à
convertir. Plus ces dirigeants protesteront, plus ils s'alièneront
la majeure partie de la population, qui soutient une société
religieusement plurielle et juste, dédiée au respect et
au bien-être de chacun de ses membres.
L'Inde
a une tradition très ancienne de vécu harmonieux avec
des êtres de croyances religieuses diverses et nombreuses. Les
hindous n'ont jamais eu le moindre problème avec les Parsis qui
ont vécu en Inde pendant des siècles. Pourquoi ? Parce
qu'ils ne génèrent aucun heurt avec un programme de conversion
planifié. Un programme concerté d'évangélisation
et de conversion est une campagne lancée contre la tradition
ancestrale d'un pays dont les occupants ont une ouverture de cur
universellement reconnue. Leur concept même d'Iswara leur permet
cette attitude de compromis. En fait, les concessions dont les minorités
bénéficient en Inde ne peuvent être observées
nulle part ailleurs dans le monde. En revanche, l'Inde est le seul pays
où c'est la majorité qui se sent opprimée.
J'en
appelle aux autorités politiques de tous les autres États
de l'Inde pour qu'ils promulguent des lois similaires, pour qu'ils s'assurent
que toute possibilité de conflit religieux puisse être
écartée, et pour que la tradition d'harmonie religieuse
de l'Inde soit respectée. En même temps que je congratule
le gouvernement du Tamil Nadu pour la promulgation de cette ordonnance,
j'invite toutes les instances évangéliques à se
garder d'entreprendre quoi que ce soit qui puisse provoquer le désaccord
dans le monde religieux.
