
MINORITÉS
HINDOUES
Ashley
Vishwanath
(Source principale : rapport annuel de
2004 de la Hindu American Foundation HAF)
Article
paru dans
La Revue de l'Inde N°5
octobre / décembre 2006
Il
est difficile de croire que lhindouisme, troisième religion
du monde, souffre en silence.
Et pourtant les minorités
hindoues de lAsie du Sud subissent régulièrement
de sévères violations des Droits de lHomme. Violations
qui persistent depuis plusieurs générations et qui ont
rarement attiré lattention des organisations protégeant
des droits de lhomme.
Le départ des
colonialistes britanniques en 1947 a laissé lInde divisée
en deux territoires. Un à majorité musulmane, le Pakistan
(constitué de deux régions : le Pakistan oriental et occidental)
et lautre à majorité hindoue, lInde.
Alors que lInde adoptait la laïcité,
le Pakistan, lui, se proclamait République islamique du Pakistan,
adoptant une Constitution basée sur une jurisprudence islamique,
qui réduisait considérablement les droits politiques de
ses minorités religieuses dont la plus importante était
la communauté hindoue.
De fait, jusquà aujourdhui,
pratiquement aucun hindou na pu accéder à une position
significative dans la société (gouvernement, armée...).
En 1947, la communauté
hindoue du Pakistan représentait 23 % de la population au Pakistan
occidental et 29 % au Pakistan oriental. En 1998, elle représentait
seulement 1,60 % de la population totale du Pakistan réduit
à sa partie occidentale depuis 1971 avec la sécession
de sa partie orientale devenue le Bangladesh.
Cet effondrement démographique
est la preuve éclatante des discriminations dont les citoyens
pakistanais de confession hindoue ont souffert, et des violations des
droits de lhomme dont ils font lobjet.
Leurs droits légitimes sont en
effet régulièrement bafoués pour des motifs religieux
(viols, agressions physiques, spoliations
). Ces pratiques discriminatoires
ont été aggravées depuis que le gouvernement pakistanais
a décrété, dans une loi votée le 24 mars
2005, que la confession religieuse de chacun de ses citoyens devrait
à nouveau figurer sur tous les nouveaux passeports, cédant
aux pressions dune coalition dorganisations religieuses
islamiques qui soutiennent le général et dictateur pakistanais
Pervez Musharraf.
Une femme nommée
Shanti en a témoigné lors du programme télévisé
« BBC World Services Slavery Today » : «
Je fus kidnappée avec dautres et séquestrée
seule dans une petite pièce. Ensuite, le propriétaire
qui nous avait kidnappées ma violée. » Shanti
a été kidnappée par les propriétaires pour
lesquels sa famille avait travaillé. Elle était enceinte
de deux mois lors de son enlèvement. « En me kidnappant,
le propriétaire ma dit que sil me gardait, mes proches
et dautres personnes reviendraient sur sa terre [
] Et comme
ma famille ny travaillait plus, cela lui donnait le droit de me
violer ».
La preuve de ces atteintes
aux droits de lhomme que subit la communauté hindoue est
difficile à établir, car les hindous sont terrifiés
à lidée dêtre catalogués, soit
danti-nationalistes, soit despions indiens.
Au Pakistan oriental,
aujourdhui le Bangladesh, deux millions de personnes ont été
massacrées lors de la répression menée par la junte
militaire dIslamabad au cours de la guerre dindépendance
de 1971. Ce nettoyage ethnique et lexode vers lInde de la
communauté hindoue, portent à 10 millions le nombre de
Bangladeshis disparus.
Selon Saleem Samad,
journaliste militant pour le respect des droits de l'homme, la population
hindoue au Bangladesh en 1991 aurait dû, avec un taux normal de
croissance, atteindre 32,5 millions. Elle nétait que de
12,5 millions.
Les leaders du B.N.P.
(Bangladesh National Party, parti politique au pouvoir jusquau
début de lannée 2007) ont aggravé la situation
en affirmant que les pratiques religieuses hindoues profanaient limage
islamique du Bangladesh. Le B.N.P. était à la tête
dune coalition de quatre partis, dont deux sont des partis fondamentalistes
islamiques : le Jamaat-e-Islami et le Islami Oikya Jote
qui souhaitent voir instauré un régime proche de celui
que les talibans ont imposé en Afghanistan.
Les citoyens hindous
du Bangladesh subissent des violences quotidiennes (tout comme au Pakistan)
: meurtres, viols collectifs, enlèvements, pillages, profanations
et destructions des temples, agressions physiques au cours des fêtes
religieuses et diverses formes dintimidation. À cela sajoute
la complicité du gouvernement qui prive les hindous de leurs
droits civils et politiques. En 1993, par exemple, le ministère
de l'Intérieur a demandé aux banques de commerce de limiter
le retrait dimportantes sommes par les dépositaires hindous,
et dinterdire les prêts à la communauté hindoue.
La complicité de lÉtat
sillustre également par le fait que le gouvernement du
Bangladesh a autorisé lapplication de la loi EPA (Enemy
Property Act) [en vigueur au Pakistan] rebaptisée VPA (Vested
Property Act), qui donne aux autorités gouvernementales le droit
de se saisir de terrains et dinvestir les propriétés
des « ennemis » présumés. Cette ordonnance
permet didentifier les hindous comme ennemis [puisquils
sont susceptibles de soutenir lInde] et de leur confisquer leurs
propriétés.
Selon une ONG du Bangladesh, environ 1
048 390 de propriétaires hindous ont été victimes
de cette loi, et environ 500 000 hectares de terres confisqués.
Cette « tragédie
silencieuse », pour reprendre les termes de Afsan Chowdhury, journaliste
bengali militant pour les droits de lhomme, est en grande partie
ignorée par les médias régionaux et, par conséquent,
par les médias internationaux, et ces violations des droits de
lhomme figurent rarement dans les rapports annuels des organisations
concernées.
Cette minorité
a peu de chance de succès en cas de recours à la justice.
La seule chose que les hindous puissent faire pour essayer daméliorer
leurs conditions de vie est de voter pour la Ligue Awami ou de devenir
des réfugiés en Inde en passant illégalement la
frontière. La flagrante violation des droits économiques
subie par la minorité hindoue est un symbole bien concret de
la tyrannie de la majorité musulmane du Bangladesh.
Avec le Pakistan et
le Bangladesh, le troisième État où la communauté
hindoue est gravement persécutée, est le Jammu et Cachemire,
territoire partagé entre la République indienne et la
République islamique du Pakistan.
Ce territoire, qui est au cur des
revendications territoriales du Pakistan, a réussi, par incitation
à la terreur, à expulser complètement la communauté
hindoue (plusieurs centaines de milliers de personnes) de la vallée
du Cachemire, après une série de meurtres, de viols et
denlèvements.
La menace présumée
de guerre nucléaire a détourné lattention
des atrocités quotidiennes commises contre la minorité
hindoue au Cachemire depuis 1989. Entre 1989 et 1991, plus de 300 000
hindous, voire 400 000 selon certains historiens, ont été
chassés de la vallée [voir notre rubrique sur la question
du Cachemire].
À la suite de ce nettoyage ethnique,
les islamistes ont même donné à un grand nombre
de villes, de villages et de routes des noms relatifs à lIslam.
Les gouvernements indiens
successifs nont prêté quune attention limitée
au destin de la minorité hindoue du Cachemire, estimant que toute
tentative pour résoudre ce problème pourrait nuire à
une solution politique globale du conflit.
Les médias,
en Inde comme à létranger, ainsi que les principales
organisations militant pour les droits de lhomme, ont adopté
un comportement similaire et passent complètement sous silence
les discriminations et persécutions que subissent les hindous
cachemiris.
La situation désespérée
des pandits [communauté hindoue] cachemiris, réfugiés
dans leur propre pays, est parfaitement décrite et mise en lumière
par Kanchan Gupta, qui écrivait le 19 janvier 2005 dans le journal
indien en ligne Rediff.com :
« Il ny a plus aucun pandit kashmiri
à Srinagar ni même ailleurs dans la vallée du Cachemire.
Ils vivent dans des camps de réfugiés sordides à
Jammu et à Delhi. 300 000 pandits du Cachemire ont fui leur maison
et leur terre et ont été réduits à vivre
la vie de réfugiés dans leur propre pays.
Deux tiers dentre eux campent à
Jammu. Le reste est à Delhi ou dans dautres villes indiennes.
Après avoir connu la prospérité et la fierté
davoir possédé un riche héritage, ils sont
nombreux à vivre aujourdhui dans une pauvreté sans
nom, dépendant de la charité et dindemnités
gouvernementales.
Au cours des quinze dernières années,
une génération entière de pandits cachemiris exilés
a grandi sans connaître la terre que leurs parents avaient fuie
pour échapper aux brutalités commises par les islamistes.
Une terre où ils nont pas le courage de retourner, bien
quelle fasse partie de leur pays. Nombre dentre eux souffrent
de stress et de dépression ainsi que de maladies qui en dérivent.
Un groupe de médecins chargés de veiller sur la santé
mentale et physique des pandits cachemiris vivant dans des camps de
réfugiés, a constaté quils étaient
pour la plupart angoissés. Causes principales : manque
dargent, stress conduisant au diabète, folies passagères,
hypertension et retards mentaux.
Ces études révèlent
en outre un taux élevé de mortalité ainsi quun
faible taux de natalité parmi les réfugiés pandits
cachemiris. En conséquence, une histoire tragique subsiste dans
la mémoire collective.
Un peuple entier a été déraciné
de la terre de ses ancêtres et sest enfui sans que personne
ne lui vienne en aide dans lhumiliation en cédant
aux intimidations des terroristes islamistes et des séparatistes
qui proclament être les seuls arbitres du destin du Jammu et Cachemire.
Une partie de lhéritage culturel indien a été
détruit et un chapitre de lhistoire de la civilisation
indienne effacé
Le gouvernement, lui, se réjouit
dannoncer que des pandits cachemiris ont librement
décidé de migrer
et que leur départ est le résultat dun choix collectif
non imposé. La National Human Rights Commission [Commission Nationale
des Droits de lHomme], après avoir effectué une
enquête sommaire, refuse dadmettre ce qui sest réellement
produit, un
génocide
ou un nettoyage
ethnique, banalisant
ainsi les faits accumulés et les 300 000 vies détruites. »
Aujourdhui, le
destin de la minorité hindoue dans ces trois régions est
celui dune population discriminée et opprimée dont
la situation est globalement ignorée par les organisations internationales
de défense des Droits de lHomme.
Ashley Vishwanath
(Ashley Viswanath, 23 ans, étudiant en statistiques
à Paris, a créé un système de gestion de
base de données pour répertorier les abus des droits de
lhomme en Asie)
© La
Revue de l'Inde
