
LE CHANT
NATIONALISTE VANDE MATARAM
SERAIT ANTIMUSULMAN !
par Laurent
Baldo
31 août
2006
Il
y a 100 ans, les jeunes révolutionnaire bengalis affrontaient,
au cri de Vande
Mataram « Salut à la Mère
Inde » , le pouvoir du colonisateur britannique
qui, fidèle à sa politique de « diviser pour régner
», voulait démembrer le Bengale en deux provinces distinctes,
lune à majorité hindoue, lautre à majorité
musulmane.
Le mouvement pour lindépendance
de lInde commençait et le Vande Mataram, chant composé
au XIXe siècle par lécrivain bengali Bankim Chandra
Chatterji, allait devenir lhymne des nationalistes indiens, galvanisant
des générations de combattants pour lindépendance
de la Mère patrie. Pour des milliers dentre eux il sera
lultime cri de défi ou lultime prière avant
de succomber aux mains de loppresseur.
Mais aujourdhui,
le Vande Mataram, n'est pas doux à l'oreille des musulmans
de l'État d'Uttar Pradesh, au nord-est de l'Inde. Ces derniers
protestent contre la volonté du gouvernement central de faire
chanter les deux première strophes de ce chant dans les écoles,
à loccasion des célébrations du centenaire
de lhymne nationaliste le 7 septembre prochain, rapporte The
Asian Age.
Selon ce quotidien indien, les musulmans
considèrent le Vande Mataram, ce cri de ralliement contre
l'oppresseur britannique, comme antimusulman car il place la terre natale
au même niveau que Dieu. « Cela est inacceptable pour
les musulmans et nous refusons que les écoliers musulmans chantent
le Vande Mataram », a déclaré Maulan
Khalid Rasheed à la tête d'une importante institution musulmane
indienne, le Firangi Mahal. « Le chant a tendance à
mettre sur le même plan la nation et Dieu, ce que ne permet pas
l'islam. Même le prophète Mahomet ne peut pas être
placé sur le même pied que Dieu. Notre opposition au Vande
Mataram n'est pas un manque de respect vis-à-vis des autres
religions », a-t-il précisé.
Lui faisant écho, Zafaryab Jilani,
membre du All India Muslim Personnal Law Board a estimé que « réciter
le Vande Mataram était contre les préceptes de
la Charia (loi islamique) ». « Il y a des vers
dans le Vande Mataram qui vont à l'encontre de l'Islam »,
a-t-il affirmé.
Vice-président du All India Muslim
united Morcha, M. Asiddique a dénoncé l'initiative du
gouvernement jugeant lui-aussi que « chanter le Vande Mataram
était anti-musulman ».
The Asian Age
rappelle que ce n'est pas la première fois que ce genre d'incident
se produit. En 1997-1998, le gouvernement avait déjà tenté
de rendre obligatoire la récitation de ce chant indien dans les
écoles mais avait dû retirer son projet devant l'opposition
musulmane. La ministre de l'Éducation, Ravindra Shukla, avait
alors dû démissionner.
Et déjà en 1939, avant quil
nexige la création dun État séparé
pour les musulmans indiens le Pakistan , Mohammed
Ali Jinnah sétait opposé à ce que le Vande
Mataram devienne le chant national de lInde indépendante,
pour des considérations religieuses similaires [voir encadré].
Champion du séparatisme musulman en Inde, Jinnah, leader de la
Ligue Musulmane, trouvait inacceptable pour les musulmans lévocation
faite à Dourga, déesse hindoue, et jugeait lhymne
« idolâtre ». Le Congrès National
indien avait alors cédé à ses exigences et avait
éliminé les strophes faisant référence à
Dourga [1].
Mais restaient celles évoquant
la divinité de la terre natale. Et à l'indépendance,
les représentants de la communauté musulmane firent valoir
les mêmes objections que celles qui sélèvent
aujourdhui. Nehru et le Congrès cédèrent
une nouvelle fois, et le Vande Mataram, qui avait joué
un si grand rôle dans la lutte pour la liberté et qui était
porteur d'un tel poids émotif pour des millions dIndiens,
ne serait pas adopté comme hymne officiel de lInde enfin
libre. Et finalement, en 1950 l'Assemblée Constituante arriva
à un compromis avec les musulmans : le chant de Tagore, Jana
gana mana fut adopté comme hymne national.
Face à la controverse,
le gouvernement indien a précisé dimanche 20 août
que chanter le Vande Mataram n'était pas obligatoire et
que cela devait se faire sur une base volontaire, tout en estimant que
le chant de cet hymne qui vise à célébrer les martyrs
et les combattants de l'indépendance indienne n'a aucune raison
de poser problème aux musulmans.
Laurent Baldo
(Laurent Baldo a vécu sept ans en Inde, pays où il retourne
régulièrement et où il a de nombreux contacts.
Il est membre fondateur de l'association Jaïa-Bharati
dont il est Président.)

Extrait dun entretien
du grand révolutionnaire indien et yogi Sri
Aurobindo
avec lun de ses disciples, le 30 décembre 1939.
(Disciple :) Il y a des gens
qui sopposent à ce que le Vande Mataram
soit le chant national. Et quelques membres du Congrès
sont partisans de couper certains passages du chant.
Sri Aurobindo
: Autant demander aux hindous de renoncer à leur culture.
(Disciple
:) Leur argument, cest que le chant parle de divinités
hindoues comme Dourga et que cest offensant pour les musulmans.
Sri Aurobindo
: Mais ce nest pas un chant religieux : cest un
chant national, et la Dourga dont il est question est lInde
vue comme la Mère. Pourquoi les musulmans ne pourraient-ils
pas accepter cela ? Cest une image quon utilise
en poésie. Dans une conception indienne de la nationalité,
il est naturel que la perspective hindoue soit présente.
Si elle devait ne pas y trouver de place, il ne resterait plus
quà demander aux hindous de renoncer à leur
culture. Les hindous ne sopposent pas à « Allah-ho-Akbar »...
Pourquoi lhindou ne pourrait-il
pas adorer son dieu ? Sinon il doit accepter lislam ou
la culture européenne, ou bien devenir athée.
Jai dit à C. R. Das [2]
[en 1923] que cette question hindou-musulmane devait être
réglée avant le départ des Britanniques,
autrement il y aurait un danger de guerre civile. Il était
daccord, lui aussi, et voulait la régler.
Au lieu de faire ce quil
fallait, le Congrès essaie de flirter avec Jinnah, et
Jinnah, lui, pense simplement quil na quà
insister obstinément sur ses conditions pour les obtenir.
Plus ils essaient, plus Jinnah devient intransigeant.
L'inde
et la Renaissance de la Terre
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Notes :
[1] Aujourdhui encore, dans toutes les récitations
officielles de Vande Mâtaram, les strophes qui mentionnent la
Mère sous la forme de Dourgâ et dautres divinités
sont omises.
[2] Leader nationaliste, membre du Congrès National
indien.