
« Je
considère toute personne comme hindoue tant quelle naffirme
pas ne pas lêtre »
SwamI Dayananda Sarasvati.
Quest-ce qui vous a conduit à
devenir Swami ?
Jai toujours
été attiré par la spiritualité, mais mon
intérêt sest vivement accru après avoir entendu
une conférence de Swami Chinmayananda à Madras. Javais
dans les 25 ans, à lépoque, et jétais
journaliste. Je me suis consacré de plus en plus à létude
des écritures, et jai approfondi mes connaissances auprès
de différents maîtres spirituels, ce qui ma conduit
à devenir moi-même un Swami.
Comment votre famille
a-t-elle réagi ?
Le milieu dont jétais
issu était assez traditionnel et religieux, avec une éducation
védique et sanskritique de base, mais pourtant, lidée
que je devienne Swami était plutôt mal acceptée.
Ils étaient contents que jétudie ces enseignements,
mais désapprouvaient ma décision. Ils savaient que la
vie dun Swami nest pas une vie facile et ne voulaient pas
que je me décide trop vite. Le fait que ce choix entraînerait
la perte dun revenu pour la famille les inquiétait aussi.
Quel est, selon
vous, lenseignement le plus important de lhindouisme ?
Sil ne fallait
choisir quun aspect, ce serait lidée que le Divin
est lunique réalité, qui peut être invoquée
à travers nimporte quel nom, sous nimporte quelle
forme. Tout culte rendu avec un cur pur est valable. Il peut prendre
un million de formes, sappliquer à tout nom ou support
de votre choix. Ceci est le point de vue universel de lhindouisme.
Lhindouisme est une religion très profonde, qui nest
pas fondée sur de simples croyances. Il ne suffit pas de croire,
Dieu doit être compris.
Que vous inspire
lInde moderne, la direction quelle est en train de suivre
?
Sur un plan économique,
lInde est dans une bonne voie. Mais politiquement les orientations
actuelles sont préoccupantes car elles ont des effets nuisibles
pour la culture et la tradition. Des forces bien établies sont
à luvre, qui visent à saper lunité
du pays tant sur un plan politique que culturel, et elles ont progressé
de façon considérable dans leurs objectifs.
LInde
deviendrait-elle trop matérialiste ?
Pas vraiment. En apparence,
on peut avoir limpression que les Hindous, dans lInde daujourdhui,
sont devenus très matérialistes et pleins davidité.
Mais si lon regarde sous la surface, on se rend compte que ce
nest pas le cas. Les valeurs spirituelles, le sens du devoir,
sont toujours très vivants dans toutes les couches et catégories
dâge de notre société. Mais tout le monde,
dans ce monde de compétition, recherche la sécurité
matérielle. Il y a quelques générations, on vivait
dans une société où tout le monde savait ce quil
ferait avant même dêtre né. La vie suivait
un chemin entièrement pré-établi. Il ny avait
aucune raison de sinquiéter parce que cétait
un environnement sans compétition. Mais ce monde est en train
de disparaître. Subitement, les Indiens daujourdhui
se retrouvent plongés dans une concurrence intensive. Tout le
monde est en compétition pour les emplois, les ressources. Cest
comme si on mettait un chat domestique dans un milieu sauvage.
Et selon vous, est-ce
une bonne ou une mauvaise chose ?
Je ne peux pas dire
si ce changement est bon ou mauvais, mais cest la réalité,
et on ne peut pas revenir en arrière.
Vous avez beaucoup
voyagé hors de lInde. Quel est votre point de vue sur la
société occidentale ?
Je nai aucun
problème particulier avec lOccident. Les occidentaux ont
accompli beaucoup de choses. Mais ils ont atteint un stade de matérialisme
extrême qui les met en face de certaines réalités
difficiles : toutes ces maladies mentales, ces problèmes de dépression,
etc., si répandus en Occident, même chez les gens riches
financièrement parlant. La sagesse de lInde ancienne offre
des solutions à de tels problèmes. La société
a besoin de comprendre que le plus important, pour une personne, est
dêtre en harmonie avec soi-même, et que nous devons
découvrir qui nous sommes vraiment.
Vous avez fondé, récemment,
le « Hindu Dharma Acharya Sabha ». Quels sont ses buts ?
Cest une organisation
qui permet à tous les chefs spirituels des anciennes écoles
hindoues de se rassembler dans une fédération. Beaucoup
de problèmes qui concernent lhindouisme nécessitent
une prise de position collective de la part des dirigeants religieux.
Les événements récents au temple de Tirupati Balaji,
où le gouvernement de létat dAndhra Pradesh,
dirigé par un chrétien « born again » a essayé
de confisquer des terres appartenant depuis longtemps au temple pour
les vendre aux enchères à des groupes chrétiens,
nous ont vraiment réveillés. Nous avons réussi
à nous unir face à cela, et le gouvernement de lAP
a reculé.
Certains Hindous disent que le fait
de se mêler des problèmes de la société et
des conflits qui la traversent , ou même davoir des opinions
marquées sur ces sujets, comme, en particulier, le problème
des conversions religieuses, est « anti-spirituel » et que
cest un comportement inapproprié pour un Swami. Quelle
est votre position sur cette question ?
Un sadhu ne peut pas
participer directement aux affaires politiques. Cependant,
je suis en droit de prodiguer des conseils, comme le faisaient Vashista [2]
et Vyasa [3],
si quelquun les recherche.
Telle est ma position.
Actuellement, la société
hindoue en est à un stade où nimporte qui peut être
appelé à sacquitter de devoirs qui ne lui sont pas
assignés selon la tradition. Par exemple, les rôles traditionnels
attribués aux Kshatryas [4]
au sein de la société ne sont pas assumés par ceux
qui ont cette ascendance, et donc tous ceux qui ont une disposition
naturelle à jouer ce rôle devraient le faire.
Selon vous, une personne qui nest
pas hindoue de naissance peut-elle le devenir ?
Je considère
toute personne comme hindoue tant quelle naffirme pas ne
pas lêtre.
Notes :
[1] Titre honorifique signifiant « maître
de soi-même », attribué aux maîtres spirituels.
[2] Vashista : rishi védique, frère
d'Agastya, auquel on attribue un grand nombre d'hymnes des Veda. Vasistha
et Agastya sont tous deux des descendants de Mitra ainsi que de Varouna,
le Dieu de la mer.
[3] Vyasa : rishi védique, semi-divin, auteur
de la grande épopée du Mahâbhârata.
C'est également lui qui aurait mis en forme les hymnes du Veda
tels qu'ils nous sont parvenus
[4] Membres de la caste des princes et des guerriers.